La loi de pénalisation des clients pose-t-elle problème ?
C’est une victoire pour les « abolos » de la prostitution : le premier février dernier, le Conseil constitutionnel a approuvé la loi de pénalisation des clients, jugée conforme à la loi fondamentale.
« La dignité de la personne »
Neuf associations et une trentaine de travailleuses du sexe s’y opposaient pourtant – dont le Syndicat du travail sexuel (STRASS). Face au camp adverse, ils sont venus expliquer que la pénalisation des clients aggraverait les violences envers les prostitué·e·s, tout en violant des droits constitutionnels essentiels, comme le droit à la liberté sexuelle et à la liberté contractuelle. Mais à en croire la décision finale du Conseil Constitutionnel, la loi sur la prostitution datée du 13 avril 2016 serait conforme à la Constitution. Si la pénalisation des clients est approuvée par le Conseil afin d’assurer « la sauvegarde de la dignité de la personne humaine » et celle « de l’ordre public », elle pourrait engendrer bien des dégâts.
« La prohibition cause plus de mal qu’elle n’en évite »
Pour s’on convaincre, il suffit de se replonger dans la captivante conférence TedX de Juno Mac. Sensible à la stigmatisation, à la maltraitance et à l’isolement des travailleuses du sexe, l’activiste du collectif SWOU (pour Sex Worker Open University) milite pour une meilleure considération de leurs conditions de travail. En 2016 elle revenait sur sa propre expérience. Sa précarité l’a incité à se prostituer et à penser « le plus vieux métier du monde » – du consentement à l’exploitation au travail. Via ce vécu, elle en vient à expliquer pour quelles raisons « prohiber le travail du sexe exacerbe toutes les atteintes auxquelles les prostituées sont déjà vulnérables ».
Note : les sous-titres de la vidéo sont disponibles en plusieurs langues, dont le français.
Comme l’énonce Juno Mac, « la prohibition de la prostitution de rue cause plus de mal qu’elle n’en évite ». Cette répression incite les travailleurs du sexe à se risquer dans des endroits isolés pour ne pas être arrêtés, travailler plus afin de rembourser les amendes qui s’accumulent, offrir des services sexuels plus risqués (accepter les clients aux numéros masqués par exemple) et être d’autant plus soumis « aux maltraitances de l’Etat », comme le chantage sexuel et l’abus de pouvoir. Une démonstration édifiante qui permet à la conférencière de gratter le vernis du fameux « modèle suédois » mais aussi d’évoquer d’autres interdictions historiques aux effets peu positifs – de l’avortement à la Prohibition des années vingt.
En rappelant que la prostitution peut être une question de survie pour les minorités les plus oppressées (personnes de couleur, migrants, personnes handicapées et LGBTQ), la militante confère à son discours une valeur universelle. L’entrepreneuse promeut la sécurité des travailleurs mais aussi le respect de valeurs plus globales : les droits humains, l’égalité des genres et la santé publique. Autant de notions qui lorsqu’elles font débat dans l’espace public considèrent rarement cette profession. Et c’est dommage.
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