Baise moi dans l’oreille
Des mots délicats susurrés à l’oreille, les poils qui se dressent, l’excitation qui nous prend. Et si l’audio révolutionnait le paysage du porno ? Une oreillette et hop, direction la case branlette sans passer par l’étape visualisation d’images. C’est ce que propose le podcast explicite Fuck me in the ear lancée par le duo Dick et Venus.
Le porno s’est imposé comme essentiellement visuel. Mais qu’en est-il du bruit des peaux qui s’entrechoquent, des gémissements d’excitation, du bruissement des draps ? Le sexe en tant qu’expérience auditive, voilà ce que propose Fuck me in the ear, littéralement Baise moi dans l’oreille. « Fuck me in the ear est un projet (de podcasts, ndlr) collaboratif où les gens partagent de vraies histoires intimes, agrémentées de bruitages sexy », explique Venus productrice de radio et co-créatrice du projet. Avec Dick, producteur de documentaires, ils composent le duo à l’origine du “podcast explicite”.
Un épisode qui s’intitule “jouir sur un trajet de tram”, un autre qui raconte le processus pour accepter son corps… Les thématiques abordées sont multiples et dépendent de l’inspiration des internautes puisque Fuck me in the ear, compte avant tout sur eux pour enrichir le catalogue d’enregistrements. Mais pas seulement. Dick et Venus sont aussi à l’origine de certains podcasts.
Montrer l’infinie variété des sexualités
Sur le site internet du projet, on retrouve un manifeste concocté par le duo. Il encourage les internautes à raconter, avec l’aide de leur voix, une expérience érotique passée, leurs pratiques sexuelles actuelles ou un fantasme qu’ils aimeraient explorer. « Les histoires sont issues de réelles expériences personnelles racontées par de vraies personnes », explique Venus.
Dick raconte qu’il a de son côté entrepris une chasse aux histoires. Désireux de découvrir de nouvelles expériences, il est allé chercher du côté des applications de rencontre comme GrindR ou fétichistes comme Recon. « J’ai abordé certaines personnes et j’ai reçu des dizaines de messages de gars queer excités, enthousiasmés par la possibilité d’écouter ou même de partager ce qui les allume », confie le co-créateur.
Dans le catalogue – se voulant éclectique – du podcast, on retrouve « des célibataires qui se branlent, des couples en train de sucer et de baiser, un quatuor pendant un échange passionné, et d’autres enregistrements tout aussi excitants », énumère Dick. Au-delà du simple fait de créer des contenus audio, Venus porte en elle un espoir : « que le projet contribue un peu à montrer l’infinie variété des sexualités, des corps, des relations et des fétichismes. »
Un nouvel univers porn
On pourrait facilement rapprocher Fuck me in the ear du porno. Voir placer le podcast dans la catégorie “audio porn”, puisque comme le relate Dick, « le projet présente des moments chauds et intimes de masturbation réelle, de sexe oral et de pénétration ». Mais Venus préfère être prudente lorsque l’on parle de contenu pornographique : « C’est vraiment une question de définition. Les gens pourraient s’attendre à quelque chose de très différent lorsque le mot ‘porno’ est employé. Notre audio n’est pas simplement conçu pour exciter les gens, mais pour créer de l’empathie et leur donner l’occasion de partager les expériences authentiques des autres. » Il faudrait alors préférer l’appellation “podcast explicite”.
Un podcast explicite donc, avec des bruits et des voix uniquement, pour laisser place aux fantasmes. Aux dépens des images. À en croire les créateurs de Fuck me in the air, le sexe c’est aussi – et surtout – une expérience auditive. « L’audio est souvent, selon Dick, plus puissant que le film, car il oblige l’auditeur à utiliser davantage son imagination. L’audio créé dans l’esprit de l’auditeur des images que lui et lui seul peut voir. »
Venus regrette le « manque d’histoires vraies » dans le porno. Pour autant, les deux créateurs ne le diabolisent pas. Bien au contraire. Pour Venus, c’est une remarquable source d’inspiration. Et certaines productions porn ont été les plus intéressantes et les plus difficiles qu’elle a pu voir au cours des dernières années. Alors, qui a dit que le porno n’était pas intéressant ?
Une faim pour l’audio
Voxxx, Le son du désir, Super Sexouïe ! … Aujourd’hui, si on veut tendre l’oreille pour savourer un « podcast explicite », le choix est large. Mais la demande l’est aussi, à en croire le nombre de visiteurs sur le site de Fuck me in the ear. « Il y a une faim pour l’audio », admet Dick. Et d’insister sur le fait que « nous assistons à l’âge d’or des séries audio, que les auditeurs peuvent écouter pendant leurs déplacements, leur travail ou leur loisir. Les histoires d’intimité, de sexe et de sexualité s’inscrivent naturellement dans cette tendance. » Il est vrai qu’il est plus simple de lancer un podcast érotique dans son casque audio pendant un voyage en train, pour s’évader dans ses pensées fantasmatiques, qu’un porno sur son smartphone…
Le duo Dick & Venus
C’est en 2018, que Dick Twitch et Venus Flytrap se rencontrent au Porn Film Festival de Berlin. De là, au fil des bavardages, ils se trouvent une passion en commun : celle des plaisirs sonores. Un sujet fait consensus : peu de films porno se concentrent sur l’audio. Pour pallier ce phénomène, ils décident de créer Fuck me in the air.
Prochain grands travaux pour le duo, qui s’est donné rendez-vous sur les terres de sa rencontre, au Porn Film Festival de Berlin : la création d’une installation immersive dans laquelle le public pourra se plonger dans des sonorités porno. Les participants auront l’occasion d’enregistrer leur propre podcast explicite. Après avoir écouté certains exemples, pour s’inspirer, ils apprendront à utiliser le matériel d’enregistrement. Certains ateliers, se souvient Venus, ont donné lieu à « des récits audio impressionnistes et abstraits qui ont permis à l’auditeur de se représenter mentalement frottements et autres léchages ». À bon entendeur…
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