Laure Giappiconi : « J’aime la liberté que donne le fait de n’être qu’une voix »
Laure Giappiconi débute sur les planches parisiennes. Se destine d’abord au théâtre, puis cinéphile, elle se rapproche naturellement du septième art. Ses métrages fidèles à l’argentique, qu’elle caractérise d’expérimentaux, abordent des thématiques qui tournent autour des sexualités. La sexualité, elle l’aborde aussi avec sa voix. Dans la série audio aux allures de téléphone rose, l’Appli Rose, Laure donne vie à la voix de l’appli. Elle s’appelle Rose.
Après ton expérience au théâtre, comment en es-tu arrivée à réaliser des films ?
J’ai fait mes études de comédienne à l’École nationale supérieure des arts et Techniques du théâtre (ENSATT à Lyon, NDLR), ce qui m’a plutôt destinée à une carrière théâtrale, mais j’ai toujours été cinéphile. J’ai passé mon enfance et mon adolescence dans les salles de cinéma d’art et d’essai du Quartier latin.
Par ailleurs, j’écris depuis toujours, notamment pour mes spectacles et performances, ou pour les pièces dans lesquelles je joue. C’est la rencontre avec La Fille Renne, photographe qui travaille en argentique, qui m’a donnée envie d’allier une recherche photographique à mon travail d’écriture. Le déclic a été un appel à projets du Festival du Film de Fesses, pour lequel nous nous sommes lancées, un peu à l’aveugle, dans notre premier film, Vivante.
Pour ceux qui ne te connaissent pas, si tu devais présenter l’esthétisme de tes films ainsi que ton univers en quelques phrases, comment le ferais-tu ?
Je travaille aujourd’hui sur deux projets de films. Dans les deux cas, ils sont expérimentaux, tournés en argentique et abordent des thématiques qui tournent autour des sexualités.
Le premier avec La Fille Renne et Elisa Monteil, créatrice sonore et performeuse. Nous avons réalisé ensemble plusieurs courts-métrages en LomoKino (première caméra argentique produite par la marque Lomography qui commercialise des produits dans le domaine de la photographie créative, NDLR) diffusés notamment au Porn Film Festival à Berlin et au Festival Chéries-Chéris, qui abordent de façon explicite les corps et les sexualités.
Le second, avec Romy Alizée, elle aussi photographe. Nous travaillons sur une série de films en photos, tournés en argentique, des contes pour adultes queer et joyeux, avec une Immorale à la fin. Notre premier opus, Romy & Laure… et le Secret de l’Homme meuble, a remporté le prix du Public lors de la dernière édition du Festival du Film de Fesses.
Une Immorale à la fin ? Qu’est-ce que cela signifie ?
Très bonne question ! Allez voir notre film et vous comprendrez !
Quel est ton rapport à l’érotisme ? Y es-tu sensible ?
Oui, bien sûr, je dirais depuis toujours ! C’est pour cela que c’est un de mes champs d’exploration favoris…
Toi qui as joué et réalisé dans plusieurs films et maintenant offert ta voix dans une série audio, vois-tu une différence ?
En tant que comédienne, je travaille au théâtre, au cinéma, mais aussi, depuis de nombreuses années, avec ma voix, notamment pour France Culture et Arte Radio. Avec Estelle Clément Bealem, je suis une des comédiennes associée à la merveilleuse émission féministe de Charlotte Bienaimé : Un podcast à soi.
J’aime beaucoup la liberté que donne le fait de n’être qu’une voix, de mettre le corps de côté, lui qui est si sollicité sur un plateau de théâtre. Même si en fait, le corps est fort en jeu lors d’un enregistrement sonore…
Audio et érotisme, ça rime ?
Bien sûr ! Vous n’avez qu’à écouter ma voix ! Plus sérieusement, il y a des choses très intéressantes qui se font aujourd’hui, alliant production sonore et but excitatoire.
Pour ne parler que d’elle, Elisa Monteil a créé Supersexouïe, un site participatif de création de porno sonore : pour des pornos créatifs, féministes, multiples, subversifs, positifs drôles et SONORES ! Allez écouter, c’est… jouissif !
Peux-tu nous pitcher l’épisode dans lequel ta voix apparaît dans la saison 2 de L’appli Rose ?
Il s’agit du dernier épisode de la saison. J’y interprète deux personnages : Laëtitia, qu’on entend déjà dans la première saison, et Rose, la voix artificielle de l’appli.
À la suite d’un bug informatique, peut-être orchestré par Rose elle-même, dix personnages se retrouvent en ligne… C’est donc une sorte de partouze audio, dans laquelle on retrouve plusieurs personnages déjà apparus dans les épisodes précédents…
Raconte-nous l’expérience en studio, comment cela se déroule ?
Nous enregistrons comme si nous étions vraiment au téléphone, chacun dans un espace. Nous avons bien sûr travaillé en amont et en solo notre partition. En studio, nous nous lançons avec notre partenaire de jeu, découvrant notre dialogue pour la première fois à deux… Et de là, les autrices du podcast, entrent en scène pour nous diriger.
Plusieurs voix t’accompagnent, tandis que les autres épisodes se construisent sous la forme d’une conversation avec deux personnes. Comment cette collaboration à plusieurs s’est elle passée ?
Nous étions neuf dans le studio, deux par micro. L’expérience était très différente d’un enregistrement à deux, moins intime, très euphorique et joyeuse… Une vraie partouze, quoi !
Je portais deux rôles, qui ont des voix et des énergies très différentes, et qui, fréquemment, dialoguaient entre eux… J’avais peur du côté un peu schizophrène de la chose. En réalité, ça a demandé beaucoup de concentration mais c’était surtout sportif et ludique !
La saison 2 de l’Appli Rose aborde des sujets de société et de sexualité importants (transgenre, handicap, polyamour…). En quoi est-ce important et différent ?
C’est essentiel de sortir des représentations mainstream des corps et des sexualités.
Nous vivons dans une société hypersexualisée qui évite en fait de parler vraiment de sexe. La parole est donnée essentiellement à des hommes, qui présentent une vision ultra-normée et sexiste de la sexualité, dans un but commercial. Il est urgent que les artistes s’emparent du sujet, de façon féministe et politique !
Ta participation à cette série audio érotique a t’elle inspirée de nouveaux projets ? C’est quoi la suite pour vous ?
Pas directement, même si je pense que tout, dans la vie, laisse des traces…
Tandis que je respire encore, coréalisé avec La Fille Renne et Elisa Monteil, aura sa première en janvier 2020 à l’International Film Festival de Rotterdam puis au Sundance Film Festival.
Pour me voir sur scène, ce sera en février 2020 au Théâtre des Célestins à Lyon, dans Josie Harcoeur.
Avec Romy Alizée, nous sommes en plein montage de notre nouveau film, Romy & Laure… et le Mystère du Plug Enchanté… Et pour le reste, et bien, restez à l’écoute !
Aller plus loin :
Les corps dansants [2018-2019], coréalisé avec Elisa Monteil et La Fille Renne. « Une ode joyeuse et sexuelle à la sororité. »
Romy et Laure… et le secret de l’homme meuble [2019], un ciné-conte de et avec Laure Giappiconi et Romy Alizée.
Photo en une : Laure par La Fille Renne
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