Ciné Porn #12 – Le pornographe
Ça commence dans un cinéma porno. On voit uniquement les visages des hommes qui regardent l’écran et puis on entend une femme qui jouit bruyamment. C’est une autre époque, celle des cinémas pornos. Et Le Pornographe raconte ce moment où les deux mondes se confrontent : le cinéma porno aujourd’hui sacralisé des années 70 et 80 et le cinéma porno d’exploitation des années 90 et 2000.
Le pornographe dans le film de Bertrand Bonello c’est Jean-Pierre Léaud. L’acteur iconique du cinéma de la nouvelle vague interprète un réalisateur de films pornographiques des années 70 et 80 qui a stoppé sa carrière au moment où l’industrie a tourné le dos à l’art pour se focaliser sur la sur-production. Parce qu’il a des soucis d’argent, le pornographe à la retraite accepte de tourner deux derniers films.
Dans le film, le vieux réalisateur prend le temps de développer l’intention de ses personnages avec la comédienne, incarnée par Ovidie. « Finalement le film ne fonctionne vraiment que si on croit à l’amour de Victoria pour Igor ». La comédienne acquiesce mollement. Le scénario est élaboré et le tournage se déroule dans une maison bourgeoise de la région parisienne. On voit le producteur du film tendre à la comédienne un liasse de billets de 500 francs.
Dans le film qui se tourne sous nos yeux, l’actrice porno interprète une jeune femme de 16 ans. Elle porte une robé d’été à fleurs où la couleur pêche prédomine. Mais son regard est absent, tout sauf naïf. Aux acteurs qui ont des visages encore poupins, interprétés par des jeunes Ovidie et Titof, le réalisateur donne ses consignes : « C’est la scène où vous êtes très très très amoureux. si on te voit en train de jouir, c’est pas la peine qu’on t’entende et de même pour les cris, tu retiens. ne cherche pas à être juste, ne cherche pas à créer une émotion quelconque. L’émotion c’est moi qui vais aller la chercher (…) Une autre chose, dans la fellation finale, quand il doit jouir, tu avales le sperme… ».
Allongée sur le canapé, la jeune femme porte une nuisette rouge et noire un peu flamenco. L’acteur est en costume gris et cravate bordeaux. Une caméra filme les visages, une autre est destinée au plan large. Le réalisateur arrête la musique. La jeune femme commence à se caresser « Depuis le début j’ai envie de ça, je t’aime ». On entend les tissus qui glissent. Le canapé en velours s’affaisse sous le poids de l’acteur qui prend appui sur les coussins. Le meuble craque. La comédienne dit « je t’aime » pendant la pénétration plusieurs fois. Ils sont engoncés dans leurs personnages et dans la direction d’acteurs, mal à l’aise dans les dialogues et les émotions qu’on veut leur imposer. Parce qu’ils ne savent pas trop ce qu’ils font, ils sont touchants. Ils semblent humains. Leur imperfection crée l’émotion.
Et puis les réflexes reviennent. Lui, prend une position qui permet une meilleure visibilité sur leurs sexes à la caméra, elle commence à simuler. Le producteur se fâche, refuse la direction qu’a proposé le réalisateur. Il la pousse à simuler encore, plus fort. Il prend la main sur le réalisateur, oblige la caméra à se rapprocher pendant le cunnilingus. La musique d’ambiance est remise. Ils enchaînent avec une fellation qui se termine par une éjaculation faciale. « Coupez ». La comédienne repasse dans le plan en s’essuyant le visage avec du sopalin.
Cette scène c’est toute l’essence de la critique d’une pornographie mainstream. C’est aussi tout un questionnement sur ce qu’est réellement la pornographie. Est-ce dans une émotion ou un sentiment qu’on impose ou est-ce dans la mécanique des corps ?
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Et pour ne rien gâcher, si je me souviens bien, la musique est signée Labradford, magnifique !