Et toi, à quoi tu jouis ?
Il paraît évident aujourd’hui que tout le monde connaît ou pense connaître la définition du mot hentai, tout du moins à quoi il correspond. En 2020, le manga et les animes X font partie du paysage, comme n’importe quel média adulte, il ne s’agit plus d’une curiosité exotique. Il est par contre un domaine moins connu, celui du jeu vidéo japonais pornographique souvent appelé, par facilité, jeu hentai. Je vous propose de faire un petit tour d’horizon d’un univers bien plus vaste et surtout bien plus profond que ce qu’il laisse imaginer au premier abord.
Sex Tapes
Le sexe dans le jeu vidéo n’est pas une nouveauté et, même si c’est un loisir longtemps considéré comme enfantin, consoles et ordinateurs ont largement contribué à la culture porn.
En Occident, en dehors de titres de sinistre mémoire tels que Custer’s Revenge (Atari 2600, 1982) dans lequel le joueur devait violer des prisonnières amérindiennes, la plupart des licences étaient basées sur l’exhibition. Ainsi, dès que les graphismes ont atteint une certaine finesse, nombre de strip pokers ont débarqué sur les consoles ou micro-ordinateurs. On pourra évidemment trouver un paquet d’exceptions mais la pornographie informatique suivait globalement toujours ce modèle. Les expériences un peu plus poussées dans le genre adulte lorgnaient plutôt vers un érotisme léger, à l’image des jeux de Muriel Tramis (Emmanuelle, Geisha, Fascination).
Ainsi, les petits branleurs et branleuses que nous étions avions surtout accès à une imagerie relativement soft, plus inspirée par la pin-up de L’Écho des savanes que par le pornard Canal+.
Et puis un jour, les p’tits geekos ont découvert une autre forme de sexe vidéoludique.
Bâton de joie
Souvenir ému de la découverte dans les pages de Micro News d’une imagerie nouvelle alors que j’étais au collège. Les dessins étaient connus, les mêmes qui occupaient nos mercredis matins et nos goûters, à la différence près que ces Candy-ci semblaient vivre des histoires d’amour un peu plus rocambolesques. Difficile de savoir si l’attraction immédiate était la conséquence de l’omniprésence des dessins animés japonais dans nos vies à cette époque, toujours est-il que l’envie d’en découvrir plus était très forte. L’imagination allait bon train et sans être en mesure de s’essayer à l’un de ces objets de désir, nous nous contentions de projeter nos fantasmes sur les héroïnes animées de la télé.
La production nippone aura largement alimenté nos rêves humides adolescents à grands renforts de Sylvidres et de Magical girls dénudées. Il faudra attendre quelques années et surtout l’arrivée d’internet pour se plonger réellement dans cet univers étrange et fascinant. Dès la seconde moitié des années 90 il était enfin possible de se procurer certaines de ces pépites convoitées. Un nouveau monde de jouissance virtuelle s’ouvrait à nous.
Plaisirs multiples
À l’instar de l’animation ou du manga porno, l’Eroge (contraction de ero-game) offre des contenus extrêmement variés, loin du cliché film X à papa. Si certains se contentent évidemment du strict minimum dans un but purement masturbatoire, d’autres essaient de proposer une réelle expérience ludique. Des jeux que l’on commence mouchoir à la main mais que l’on finit avec un vrai plaisir de gamer. Ainsi pourra-t-on retrouver dans le lot, sans ordre particulier, des jeux de cartes, des puzzles, des RPG, des jeux d’aventure, des jeux de combat, des shoot’em up, et bien plus encore. Tous les genres ou presque sont représentés à tel point qu’il n’est pas rare de démarrer un titre un peu obscur et découvrir au bout d’un certain temps qu’il s’agit d’un Eroge. C’est d’ailleurs devenu si commun que même la plateforme de vente de jeux ligne Steam s’est mise à en proposer (en version censurée toutefois). Malgré cette mise en lumière du genre et la localisation d’un bon nombre de titres sous nos horizons, le plus gros de la production reste local et demeure un peu difficile à récupérer de façon légale.
Jeux interdits
Il ne faut pas oublier que la législation est différente chez nous et que l’univers Hentai (nommons le comme ça pour simplifier) flirte bien trop souvent avec des thèmes considérés (à juste titre) comme des délits hors Japon. Sans s’étaler des heures sur le sujet, la création érotique Japonaise n’est limitée « que » par la censure concernant les organes génitaux et les poils pubiens mais en dehors de ça, toutes les paraphilies y ont une trouvé terre d’asile, ceci englobant la zoophilie ou la pédopornographie (même si, théoriquement, les lois sont devenues heureusement plus restrictives sur ce dernier point). Attention, grosse mise en garde également sur les thèmes de prédilection, bien souvent la culture du viol est au centre des histoires. Il existe d’ailleurs nombre de titres dont le gameplay est entièrement axé autour de l’agression sexuelle.
Se plonger dans le monde des Eroge, c’est aussi s’exposer à un paquets de saloperies, il faut bien faire le tri. Un commerce compliqué à surveiller tant le nombre de titres à sortir est conséquent. En dehors de quelques grosses boites connues, la plupart des jeux sont des indépendants ou des fangames (Dõjin), rendant le marché encore plus fourni et donc difficile à maîtriser.
Il est toutefois possible d’acheter en toute légalité certaines productions, que ce soit en dématérialisé ou même en support physique (pour les vrais collectionneurs). Le plus connu des revendeurs est très probablement DLSite, véritable supermarché en ligne du porn japonais, proposant depuis quelques années maintenant des versions anglaises.
Toujours plus de bits
Alors évidemment, je vous vois venir avec vos « toujours plus de blabla mais où est le cul ? On veut les jeux » et vous avez bien raison, c’est pourquoi je vous propose humblement une petite sélection de titres connus ou moins connus, que je considère comme représentatifs du genre.
Effeuillage.
Night Life (PC 8001-1982)
Choisi essentiellement pour sa valeur historique plutôt que son intérêt ludique, Night Life lorgne du coté serious game car il s’agit avant tout d’un jeu à vocation éducative, destiné aux couples qui souhaitent épanouir leur sexualité. Designé comme un simulateur, il vous faudra planifier tous les paramètres de la nuit d’amour à venir et voir si ce qui résulte de vos choix est satisfaisant. Il est amusant de noter que le développeur du titre n’est autre que Koei, devenu aujourd’hui l’un des studios les plus emblématiques du Japon avec sa série Dynasty Warriors et ses nombreuses adaptations d’animes. Une entreprise qui s’illustre d’ailleurs toujours au travers d’un certain érotisme dans ses productions, à l’image de sa célèbre licence Dead or Alive.
Cobra Mission (PC98 et MSDOS – 1991)
Petit plaisir retro très représentatif de ces jeux choisis parce qu’érotiques mais terminés pour leur histoire. Il s’agit d’un mélange de point & click et JRPG old school dans lequel le joueur incarne un détective enquêtant sur la disparition de jeunes femmes à Cobra City. Les scènes de fesses se présentent sous la forme de mini-jeux dans lesquels il faudra procurer un orgasme à sa partenaire du moment en utilisant judicieusement jouets et mains du personnage. Rien de dingue, mais le titre est important car il s’agit du tout premier Eroge sorti officiellement en Occident et donc entièrement localisé. Une vraie curiosité disponible en abandoware pour ceux qui souhaiteraient s’y essayer.
Gunners Broom (PC – 1998)
Peut-être pas le titre le plus connu de la liste, mais il est important pour illustrer la diversité des genres. Il s’agit d’un mélange de shoot’em up et de RPG auquel on a ajouté des scènes de cul de façon aussi surprenante qu’incongrue. La partie porn est extrêmement limitée car il est le plus souvent question d’une ou deux images explicites après avoir battu un boss. On ne joue pas à Gunners Broom pour la fesse mais pour son gameplay et son ambiance réussie, le reste est plus un bonus amusant.
Bible Black (PC – 2000)
Le titre le plus réputé du lot grâce à sa célèbre adaptation en série animée. À la base il s’agit d’un visual novel, certainement le genre le plus représenté dans l’univers des Eroge.
Ce sont des jeux généralement assez linéaires, mais ayant l’avantage d’offrir de nombreuses scènes de sexe et disposant surtout, la plupart du temps, d’un mode galerie qui permet au joueur de relancer les images ou les séquences porno débloquées durant la partie. On retrouve dans ce type de production le pur plaisir masturbatoire qui fait le succès du cinéma X. Il n’est d’ailleurs pas rare de retrouver sur le web quantité d’illustrations issues de divers visual novels érotiques tant le format se prête à ce type de diffusion. Si Bible Black est d’une certaine façon incontournable, j’aurais plutôt tendance à recommander les vidéos dont la réalisation reste toujours très correcte aujourd’hui.
Saga Viper (PC – 1993/2003)
Viper V16 est probablement l’un des épisodes les plus emblématiques de la licence car le premier pour de nombreux joueurs qui ont découvert la série, mais tous les titres méritent d’être essayés (24 jeux sortis 10 ans, une jolie performance). Comme pour Bible Black, il s’agit de visual novels, mais leur particularité principale est de proposer bon nombre de séquences animées et, selon les épisodes, des fins multiples. Si on ne les retiendra clairement pas pour leurs scénarios, les différents jeux de la licence Viper sont vraiment bien foutus et offrent leur lot de créatures tentaculaires et tous genres. Ils font partie des Eroges qui ont le plus circulé sous les manteaux des petits pirates pervers à la fin des années 90. Aujourd’hui, la plupart d’entre eux sont visionnables directement sur les tubes comme s’il s’agissait de films animés.
Gal*Gun Double Peace (PS4, PS Vita, PC – 2015)
Plus coquin que porno, ce jeu a surtout sa place ici car il symbolise à lui tout seul un courant de l’érotisme japonais, le culte du pantsu (la petite culotte) et du sailor (costume d’écolière). Le titre se présente comme un rail shooter assez basique dans lequel le joueur touché par la flèche de Cupidon doit repousser toutes les filles qui se précipitent sur lui. Évidemment cela entraîne moult situations érotiques et un paquet de jupes relevées. Loin d’être vraiment excitante, ni particulièrement prenante, la série des Gal*Gun est un pur produit japonais qui fleure bon les saignements de nez et autre clichés idiots qui ont bercé notre enfance. Il est important de noter que la dernière itération de la licence s’est vue refuser l’accès aux consoles de Microsoft, le constructeur jugeant probablement les personnages trop jeunes (le précédent épisode était sorti sur Xbox 360 en version légèrement censurée), un problème récurrent dans le monde de l’Eroge.
Les connaisseurs qui liront ces lignes trouveront probablement à redire sur les jeux choisis, pestant sur les perles oubliées, mais il est difficile de choisir parmi tant de curiosités. Le plus important est que ce petit aperçu vous donne envie de vous pencher sur un genre que vous ne connaissiez pas ou n’avez tout simplement jamais pratiqué. Le monde de l’Eroge est à l’image de la pop culture nippone, d’une diversité incroyable, prête à satisfaire tous les fantasmes les plus délirants, et tout ça en proposant de vraies expériences ludiques. Avant d’être des œuvres pornographiques, ce sont d’abord des jeux vidéo avec des mécaniques pensées et travaillées pour le plaisir des joueurs et des joueuses.
Au final, leur plus grand défaut est de nous rappeler bien trop souvent ô combien il serait pratique d’avoir une main supplémentaire.
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