La face cachée du micro-bikini : radiographie d’une tendance
Le micro-bikini ? C’est une érotisation à outrance du corps en général et du corps féminin en particulier. C’est un pied-de-nez à la nudité, une sorte d’exhibitionnisme inversé qui fait la part belle à la vulgarité. Ses lignes échancrées épousent outrageusement les zones érogènes et son style minimaliste sonne comme une proposition toujours plus indécente à la débauche et à l’obscénité. Faute de se poser en chantre de l’élégance, le micro-bikini reste une passerelle sans pareil vers nos imaginaires les plus frivoles et nos fantasmes les plus inavouables.
À la différence de la lingerie, il se doit d’être porté en extérieur et ce, bien qu’il ne masque pas grand chose. Le micro-bikini, c’est l’art de montrer tout en cachant, et en prônant un certain goût pour l’irrévérence. Bien qu’on puisse lui reprocher de véhiculer une certaine idée du sexisme, la pratique du micro-bikini n’en reste pas moins grandement plébiscitée par une frange de la gente féminine. Parce qu’avant d’être un vêtement, c’est aussi le symbole d’une sexualité affranchie des contraintes du bon goût et de la bienséance. Ici, il est avant tout question de provocation – car le micro-bikini ne reflète pas une sexualité à proprement parler, il est plutôt le reflet d’une tendance, qui consiste à considérer les codes de la pornographie comme une valeur honorable.
Origines : la pornographie et le Hentaï comme référence
N’en déplaise aux tenants du porno vanille, vulgarité et excentricité sont les maîtres-mots de ce penchant original qu’est la passion du micro-bikini. C’est plus qu’être nu et moins qu’être habillé, et au même titre que le harnais dans le BDSM, c’est un accoutrement qui valorise la charge érotique du corps. Les pornstars US ne s’y sont d’ailleurs pas trompées : Lydia Black, Charlotte Sartre ou Natalie Mars toutes trois adeptes d’un alt-porn débridé sont toujours très friandes de micro-tenues !
Le micro-bikini, c’est d’abord une tendance de la pornographie qui s’est infusée par mimétisme chez ceux qui la consommaient. Le Hentaï et la pornographie en ligne ensuite ont largement participé à la démocratisation de ce maillot de bain singulier. Les bikinis minimalistes exacerbent souvent les formes démesurées des héroïnes de Hentaï, ce qui a développé l’attrait pour ce type de postures — qu’un grand nombre de cosplay girls aujourd’hui se plaisent à reproduire. L’autre idée c’est la part de fantasme qu’il génère : au même titre que les accessoires de cosplay, le micro-bikini matérialise dans notre quotidien cette part d’inatteignable cristallisée par les vidéos pornos ou les mangas.
Le micro-bikini : un marché restreint
Il n’est pas aisé de trouver des micro-bikinis de qualité, et pour cause : cette communauté très proactive se protège. La connotation pornographique de ce petit bout de tissu a su attiser les passions, mais finalement, avant d’être un maillot de bain, c’est aussi un accessoire de mode qui scintille plus qu’il ne couvre. On trouve quelques marques uniquement dédiées à sa production et, étonnamment, elles résistent au temps et ont créé avec les années une solide communauté. Il faut aller voir du côté des Australiens de Wicked Weasel, en place depuis une vingtaine d’années sur le marché du swimwear sexy. À leurs côtés, on trouve les américains de Malibu Strings ou The Bikini, avec des versions un peu plus osées que ce que propose la firme australienne. D’autres créateurs plus confidentiels cloisonnent ce joli florilège : les Californiens de Freshkini, Berrydog ou Farenheit Swimwear pour le côté sunshine et coloré, ou dans un style plus fashion et conventionnel les italiens de Divissima. Dans le délire mauvais goût assumé il y a la marque dédiée aux strippers, Bubblegum, une griffe qui a fait de la surenchère visuelle son fonds de commerce. Avec Bubblegum les esthétiques criardes du porn et du pole dance sont au rendez-vous — pour « les professionnels de la profession ».
Il existe aussi une version extrême du bikini sexy : le Sling-shot ou le Tear-drop qui couvre le sexe à son minimum. Et au bout du spectre on a les bikinis totalement ouverts, dits « crotchless » qui se rapprochent plus du harnais que du vêtement et qui fétichisent au max les parties génitales. Là on touche à la version très porn et excentrique qu’on pourra retrouver chez la marque allemande Tangaland24, temple du bikini crochtless, ou chez les russes de Luckybikini.
À l’opposé, et pour les amateurs de beaux objets, il est conseillé d’aller fouiner du côté des Japonais de Princess Bikini qui nous gratifient de confections haut de gamme. Ils revisitent avec soin les classiques du genre : du Tear-drop à l’Extreme-bikini en passant par le Super micro-bikini (oui oui !). La marque de fabrique de Princess bikini, c’est la qualité : les matériaux nobles comme le cuir sont souvent utilisés, l’autre avantage étant la possibilité de personnaliser ses bikinis et de choisir les coupes selon ses goûts. Plus éloignée, Colleen Kelly, designer US, offre quant à elle une interprétation haute en couleur de l’objet. Sa spécialité ? Le microkini aux reflets métallisés.
Entre le bel objet et le goût prononcé pour les créations alternatives, il y a l’univers de la Suisse Maria Wagner et sa marque A Swiss String. Plus qu’une créatrice de micro-bikini, c’est une avant-gardiste du sexy swimwear et de la lingerie érotique. Uniquement faites mains, ses productions tendent vers une expression « exhib » de la mode couplée à un style sucré et glamour. Elle réussit le pari d’un style à l’orée de la vulgarité tout en privilégiant des formes sobres et des échancrures raffinés. aSS c’est aussi une identité forte, totalement chapotée par sa créatrice, du concours de bikini en ligne à son compte Instagram, elle fédère à elle toute seule une communauté de fans impressionnante. De la confection au marketing, elle est sur tous les fronts et nous honore de ses collections « mean and cruel » depuis 2002.
Alors que le bikini string offre au regard la majeure partie des fesses, le bikini triangle se charge de les modeler à la manière d’une sculpture.
Les reviews essentielles du site communautaire Bikini Fanatics
La micro-communauté du sexy-swimwear
Mais ce qui fascine aussi dans l’univers du micro-bikini ce sont les sections parallèles comme les bikinis contests que chaque marque s’emploie à organiser, ou les statuts de « contributeurs » qui font de ces aficionados les premiers acteurs de la promotion des marques. Le micro-bikini, c’est un petit théâtre dont les participants s’engagent eux-mêmes à animer la scène. Il n’y a qu’à voir le réseau social communautaire Microminimus, développé par Wicked Weasel, qui rassemble les supporters invétérés de la marque autour de profils ou de chats dans lesquels les fans se mettent en scène autour de leurs acquisitions. Comme sur Onlyfans, wishlists, tips et comments sont au menu moyennant 80 euros par an. Malibu strings, c’est lui aussi doté du même type de section où les fans peuvent se retrouver et échanger à souhait. L’autre réseau spécialisé très en vogue c’est Bikini Fanatics, qui a la particularité d’être indépendant et de proposer à ses contributeurs d’exhiber leurs bikinis tous designers confondus. Sa partie blog où se mélangent interviews, reviews et conseils pratiques vaut largement le détour. La review « bikini string vs bikini triangle », par exemple, nous confronte à des problématiques essentielles : « […] Les deux styles ont leurs avantages. Quand le bikini string offre au regard la majeure partie des fesses, le bikini triangle se charge de modeler et de dessiner ses mêmes fesses à la manière d’une sculpture. En outre, le triangle couvre une plus grande surface, donc à première vue, il est peut-être plus aisé à porter en public. » ou ce tuto lunaire qui vante les mérites d’un plug anal associé à un bikini string : « Lors de votre prochaine virée à la plage pourquoi ne pas tenter le buttplug sous le bikini ? » Du fétichisme à l’état pur !
Mais, le plus savoureux, c’est que d’une plateforme à l’autre se retrouvent les mêmes amateurs ou modèles de micro-bikini, paradant avec leurs collections de petites tenues tout en faisant la promotion de tel ou tel designer. Pêle-mêle, pour les plateformes générales, se distinguent Bentbox et Onlyfans mais aussi Instagram et Twitter qui ont donné un nouveau souffle au développement de cette micro-communauté. Bien que le micro-bikini puisse être ressenti comme une injonction au porno et à ses codes de représentation, le recours à des modèles amateurs pour représenter les marques brise les archétypes d’âge et de morphologie. Les contributeurs ou modèles stars du microcosme du tiny-bikini mettent en avant des physiques moins conventionnels, et éloignent l’antienne selon laquelle l’âge serait un frein à l’érotisation du corps. Ils se comptent à la pelle et s’exposent en première ligne des site spécialisés. Pour ne citer qu’elles, les grandes prêtresses du microwear Tiny Hiny, Eva Show Off ou Yummysofie inondent les plateformes de leurs photos de charme ; quand les françaises aux comptes plus confidentiels Lovelycious et Frenchbikinilovers côtoient sans complexes les Instagirls Tanita et Candy Rush. Les contributrices historiques de la culture micro Higlands Jen, Zea in Blue, Bina Bavaria, Comena ou Raphaella, entre autres, font quant à elles la promotion du « bikini way of life » depuis de nombreuses années.
Bina Bavaria, Peekaboo, The-Bikini Comena, Tear-drop, par aSS Raphaella, Tear-drop par WW
Micro-bikini dans la culture porn
Le cosplay porn compte sans grande surprise le fameux micro-bikini dans sa panoplie, celui qui renvoie aux héroïnes de Hentaï décrites plus haut. Et pour cause ,dans un teaser mémorable Purple Bitch et ses copines cosplay girls s’offrent une petite partie de jambes en l’air, le tout ficelées dans trois micro-bikinis monochrome : on y trouve du violet, du jaune et du rouge et surtout des gémissements en pagaille. Il y a aussi cette fabuleuse scène de car washing improbable, où ces mêmes reines du cosplay Sia Siberia, Mia Bandini et Purple bitch, se pavanent en plein air et courtement vêtues. À l’aide d’une mise en scène soyeuse, les trois demoiselles, radieuses dans leur mini maillots, s’adonnent à un lavage de voiture girly à souhait. A la carte, savonnage de pare-brise avec les fesses, masturbation sur le capot et cascade de mousse.
Le wrestling porn est un autre genre friand de micro-bikinis, a priori par commodité mais surtout par souci esthétique. Les formes aguicheuses du vêtement sculptent les corps des participantes en leur donnant une allure aussi athlétique qu’affriolante. En vedette de la chaîne Evolved Fights on devinera Charlotte Sartre, la plus Goth des pornstars, qui nous fait de l’œil armée de ses micro-strings à l’occasion de face à face truculents. Apprécions le classique deux-pièces noir fièrement porté lors de son opposition à Jay West et l’élégant Tear-drop dans le match sans merci contre Maya Kendrick. Pour finir, le female body-building, proche cousin du wrestling porn, tient lui aussi le micro-string en grande estime. À l’image des wrestling girls, les corps musclés des bodybuildeuses sont moulés par les coutures cousues au millimètre de leurs mini maillots. Aux antipodes, le collectif Blockchainbitchez, constitué de Cleo Constantine, Zuzu Gabrielli et Daphne Dalle, nous montre la face punk du micro-bikini. Avec ses sœurs d’armes, Cléo Constantine prône un porn alternatif qui valorise la culture porn en tant que territoire artistique. Dans un teaser sur fond de musique punk, elles sont déguisées en Pussy Riots, et surtout elles sont toutes les trois affublées de micro-bikinis ultra-sexys. Par cette performance, elles entendent mettre en valeur la dimension subversive de leur démarche, par la référence au groupe russe anti-Poutine évidemment, mais aussi grâce à la touche vulgaire et provocante connotée par les sexy swimsuits.
En se reconnaissant dans le micro-bikini, on se reconnaît aussi dans une conception singulière de l’érotisme. C’est un appel à la subversion et à l’irrévérence, mais aussi une niche qui échappe aux standards économiques et marketings de la grande distribution érotique. Et avec le temps, la « communauté bikini » est devenue une culture alternative et fétichiste à part entière au même titre que les passionnés de latex ou de fisting. Son credo ? Faire sortir à tout prix le mauvais goût du placard !
Je connais aussi la boutique SHERRYLO qui vend des micro bikini 🙂