« Clémentine à la plage » – Igor et Boccère

C’est l’été, il fait beau, il fait chaud, on peut enfin tronquer les jeans contre nos maillots, et pour les plus courageux, c’est l’heure de profiter du soleil pour aller bronzer nu. C’est aussi ce que s’est dit Clémentine. On avoue qu’on n’a pas vu les mêmes plages qu’elles pendant nos vacances, mais il fallait bien une plage singulière pour cet album drôle et ensoleillé. Loin des Martine de notre enfance, Clémentine à la plage est insouciant comme un jour de vacances.

SUR LA PLAGE ABANDONNEE

Clémentine à la plage n’est pas une BD très compliquée à résumer : le soleil brille, on entend le bruit de la mer, la plage naturiste n’est pas loin, et Clémentine décide d’aller profiter de son week-end pour s’adonner au nu intégral. Jusque-là, l’histoire ne semble pas être bien compliquée, mais si ça s’arrête là, alors pourquoi en faire un album ? Sans doute parce que cette plage n’a pas l’air décidée à offrir à Clémentine la tranquillité à laquelle elle aspire. Un vieux faussement bigot qui drague les jeunes femmes sur la plage, pour jouer les grenouilles de bénitier devant sa femme, un homme, la bite à l’air, qui cuve, allongé dans les dunes, la femme pompette qui veut se faire lécher et le couple exhib, la journée de l’héroïne n’a rien d’une journée ordinaire. Plus encore, tout sur cette plage semble vouloir ramener la jeune femme au sexe : plus question de bronzer bien sagement, Clémentine veut jouir, d’une façon ou d’une autre, et elle n’a plus qu’une obsession, celle d’un orgasme à l’odeur de sable et d’eau de mer, mais force est de constater que si l’excitation est là, entre ses lèvres, le plaisir se révèle plutôt compliqué à atteindre. Il faut croire que rien ne se passe jamais comme prévu sur cette plage.  

PORNO DESSINE

Le format de l’ouvrage ne nous permet pas de passer à côté d’un élément central : les illustrations. Le traitement des couleurs est simple, et reflète parfaitement l’ambiance de l’histoire : c’est lumineux, les corps sont nus, les peaux sont hâlées. On notera cependant que si la représentation des corps est plutôt variée – même si les bites sont toutes grosses – puisque l’on trouve des protagonistes jeunes, vieux, gros, maigres, ultra musclés ou non. Les corps ne sont pas sur-idéalisés et c’est très appréciable. Une critique cependant sur le fait que si les verges sont dessinées en gros plans, plutôt détaillés, on ne trouve aucun gros plan sur les vulves, alors même qu’on assiste tantôt à une scène de masturbation féminine tantôt à un cunni ou à une pénétration vaginale. On aurait aimé voir le même traitement des deux organes sexuels.

UN ALBUM HYBRIDE

L’une des premières spécificités de Clémentine à la plage réside dans sa forme que j’ai mis un peu de temps à apprivoiser. Dès la couverture, les codes du cinéma sont présent, et on trouve en grand les mentions « Meilleur espoir féminin » et « Meilleur second rôle masculin » du Fessetival de Ken. L’aspect parodique est donc d’ores et déjà affirmé. Cela se confirme encore davantage lorsque l’on retourne l’ouvrage. La quatrième de couverture de la BD se présente comme celle d’un DVD : Miniatures, résumé, évocations des œuvres précédentes des auteurs, parodie d’une critique signée « L’Ecaillé du Cinéma » , Casting, et même format et durée. Album de bande dessinée ou film sur papier ? La question peut donc se poser, avant même d’avoir ouvert le livre.

Mais qu’en est-il de l’intérieur ? S’agit-il seulement d’une présentation ludique et originale ou d’un véritable parti pris, directement lié à l’œuvre ? Je dois admettre que j’ai pris un peu de temps avant de me lancer dans la lecture, entre autres à cause de cela. J’avais peur que l’extérieur du livre n’ait aucun lien avec son contenu et j’aurai trouvé ça dommage. Lorsque je me suis finalement lancée à l’eau, je n’ai pas été déçu. Dès les premières cases, l’album affirme son parti pris : nous sommes face à des affiches de cinéma, puis à une salle, bien remplie, dont les spectateurs ne sont pas venu profiter de la climatisation, mais au contraire, prendre un petit coup de chaud devant Clémentine à la plage, un film signé FUCK Films production, ce qui ne laisse pas grande place aux doutes quant au fait qu’on est loin du film français contemplatif devant lequel on peut se laisser aller à récupérer la mauvaise nuit trop chaude de la veille.

La fin de l’album est, elle aussi, un joli clin d’œil à l’univers cinématographique, mais je n’en dis pas plus, pour connaître le fin mot de l’histoire, il faudra la lire !

BONJOUR MADAME, C’EST LE PLOMBIER

On ne va pas se mentir, même si certaines scènes de l’album sont de celles qui auraient pu me mettre dans le même état que Clémentine, ce n’est pas une bande dessinée dont le principal atout est le potentiel érotique. Oui, il y a des queues bien tendues, et bien veineuses, oui, il y a des cunni, des pipes en pleine nature, et même une matraque dans une chatte, pour autant, ça n’est pas ce qui prend la première place dans la réception de l’œuvre et c’est même ce qui m’a un peu déroutée personnellement. A première vue, et ce particulièrement dans les registres des dialogues, j’étais très sceptique quant au fait d’apprécier ma lecture, et je me suis même dit dans les premières pages, que c’était franchement beauf. Ce n’est pas tant le caractère mainstream du scénario qui me gênait – parce que le mainstream à son charme propre – que les dialogues qui me bloquaient complètement aux premiers abords. Je suis une grande lectrice, mais ce style était à l’opposée de ce dont j’ai l’habitude. J’ai décidé de continuer malgré tout, et je n’ai pas regretté.

Certes je n’ai pas trouvé l’envie irrépressible de fap pendant ma lecture, mais j’ai trouvé autre chose : une lecture rafraîchissante et un bon moment où j’ai ri de bon cœur à de nombreuses reprises et qui rappelle avec justesse que la littérature érotique n’est pas faites que pour être lue à une main et peut aussi être simplement agréable. C’est un humour particulier, un peu lourd, mais globalement très efficace, et sans doute ne plaira-t-il pas à tout le monde, mais en tout cas, Clémentine à la plage tient encore une fois les promesses faites par la couverture : on est pas ici dans un porn, mais bel et bien dans une parodie pornographique, où la moindre séance de branlette devient grotesque, où il est tout à fait normal qu’un passant se retrouve la tête entre les cuisses d’une inconnue, sous prétexte qu’un crabe lui a pincé le clitoris.

Encore une fois, cette dimension humoristique est directement liée à la référence cinématographique : le porno, et surtout le porno mainstream, ne brille généralement pas par sa vraisemblance, et Igor et Boccère nous mette ici sous les yeux à quel point ce naturel invraisemblable avec lequel les gens se mettent à baiser au bout d’une dizaine de seconde dans le monde du porn peut clairement porter à rire si on s’y penche avec la tête un peu plus froide que lorsqu’on a la main entre les cuisses.

Clémentine à la plage est une lecture rafraîchissante qui dépasse le simple trait d’humour pour livrer une parodie dessinée du porno mainstream. Ses codes en sont repris, et poussés à l’extrême sur fond de mésaventure grotesques et de plage de sable fin. Que vous aimiez ou non le mainstream, vous trouverez à rire dans l’album, ce qui n’est pas si souvent le cas de la littérature érotique, et rend, en cela, l’album remarquable.

PS: n’oubliez pas la crème solaire pendant votre lecture sur la plage!

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