« Dirty sexy valley » : le roman porno-gore d’Olivier Bruneau
Parfois, les vacances tournent au cauchemar… Difficile de penser le contraire après la lecture de Dirty sexy valley, une terrible invitation à la débauche signée Olivier Bruneau.
« Je veux poser ma tête sur ce cul, et y dormir pour le restant de mes jours… » Dirty sexy valley s’ouvre sur une déclaration d’amour à l’érotisme. Au milieu des pins, là-haut sur la montagne, un couple de randonneurs s’écarte du sentier balisé pour une partie de baise champêtre. Pascal est marié à Laurence depuis trois ans et n’a d’yeux que pour ses fesses parfaites. Aussi, quand elle tombe dans un piège et se retrouve le pied encordé à un arbre, il préfère lui jouir dans la bouche plutôt que de la détacher. Un sens des priorités qui lui vaudra d’être assommé d’un coup de pelle rouillée quelques minutes plus tard, par un genre d’homme des cavernes. « La tête en bas, à demi nue, Laurence vit alors deux paires de vieilles godasses crottées s’approcher d’un pas paisible. »
Les deux tourtereaux sont séquestrés dans la cave d’une maison sale et poisseuse. Lui, contre un mur, est pendu à des crochets comme un jambonneau ; elle, allongée sur une table gynécologique archaïque, les jambes écartées. La séance de supplices sexuels peut commencer. Perpétrée essentiellement à l’aide d’outils DIY confectionnés par des jumeaux, Jules et Jim (coucou Truffaut), la torture, le viol et le meurtre de touristes égarés rythment le quotidien reclus de cette fratrie fusionnelle. Dans la famille des rednecks consanguins, je demande aussi la Mère, véritable sorcière putride, et la virginale Marie, la cadette, adolescente ingénue en proie à ses premiers émois sexuels. Coupés du monde « réel », ils obéissent à leur propre espace-temps, évoluant dans leur anti-société aux règles purement immorales.
Jusque-là, ça fleure bon le cinéma gore, le nanar savoureux, trash et burlesque. C’était sans compter sur une bande de joyeux étudiants tout droit sortis d’American Pie et leur irrésistible quête de quéquette… L’intello Hortense, la plantureuse métisse Simone, son petit ami possessif, Stan, le nerd Tom, et le couple en rut, Matt et Clarisse, composent le tableau d’une jeunesse curieuse et cultivée. Pour fêter le début de l’été et leur amitié, le crew décide de séjourner dans une cabane appartenant aux parents de Simone et d’y organiser une soirée déguisée slash partouze. Bien sûr, la cahute de leurs fantasmes est perchée dans la montagne de ladite famille dégénérée. Et l’avertissement du mec de la station-service dans la vallée n’arrêtera pas leur ascension : « Vous devriez pas y foutre les pieds, dans votre cabane. (…) Parce qu’il y a des trucs pas normaux qui se passent dans cette foutue montagne (…). »
Le dégueulasse devient jouissif
La rencontre de ces groupes de personnages, inéluctable, sera celle de deux visions du sexe, l’une expérimentale, douce et hédoniste, l’autre violente, oppressive et crasseuse. Les deux tendront à se confondre à force de va-et-vient entre les descriptions poétiques et excitantes – « Quand il vit son sein au galbe parfait apparaître en s’affaissant à peine, couronné par une aréole au rayon idéal pour que sa langue s’y perde en tourbillons, il ressentit un authentique vertige. » – et les récits abjects et crus – « Sous ses yeux baignait en effet dans le formol un vagin, qui avait visiblement été découpé au couteau de chasse. » Quelque part, c’est bien cette pinède, incarnation d’une nature dévorante, qui semble vider chaque âme de sa raison. Olivier Bruneau prend le genre bucolique à rebrousse-poil. La montagne sournoise, parée de ses clairières enchanteresses, fait diversion avec le cauchemar ambiant. Elle plonge chacun dans son animalité profonde et l’y emprisonne. D’ailleurs, plus l’on s’enfonce dans la lecture, plus le dégueulasse devient jouissif.
À ce titre, Dirty sexy valley s’inscrit dans la tradition du film d’horreur et du thriller US. Il peut rappeler le diptyque Boulevard de la mort / Planète terreur de Quentin Tarantino et Robert Rodriguez, ou encore le très culte Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper. C’est un roman de genre(s) à la croisée du grindhouse, du teen movie et de la littérature érotique, où la bêtise et la lascivité sont sévèrement punies. Riche en détails, le récit très visuel, que l’on imagine tout de suite porté sur grand écran, trahit un plaisir enfantin à déchiqueter la morale à coups de godes rose bonbon, de sous-entendus zoophiles, incestueux et nécrophiles, et de gags grotesques. « Satisfait, il prit le fusil à deux mains et fit doucement coulisser le canon contre ses lèvres déjà humides. » Et puis ce mélange de pisse, de foutre et de sueur : Dirty sexy valley est sans conteste une épopée olfactive. On en sort horrifié, émoustillé et rieur.
Parution aux éditions Le Tripode le 1er juin 2017 / Fête de parution au Point Éphémère (200, quai de Valmy, Paris 10e) le 8 juin à partir de 20h
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