Trop « multiracial » pour « l’interracial », les aberrations d’un tag

Au Tag Parfait, on aime les tags, vecteurs de fantasmes et de transgressions, mots magiques qu’on décoche sur les tubes comme autant de bouteilles à la mer. Mais ils ont leurs limites et leurs excès. Les tags du porn mettent dans des cases, étiquettent, catégorisent les individus. Parfois jusqu’au contresens le plus absurde – à s’en mordre la queue. C’est le cas de « l’interracial« . Un article édifiant du Los Angeles Weekly nous le démontre par A+B.

Trop « multiracial » pour « l’interracial »

« Les pornstars Honey Gold et Donny Sins sont-ils trop « multiraciaux » pour le porno interracial ? » se demande à juste titre le reporter Gustavo Turner. Dans la vraie vie, ils forment un couple. Lui, Donny Sins, natif du New Jersey, se considère à moitié Espagnol, à moitié Irlandais-Dominicain. Honey Gold aime à dire qu’elle est un peu Cantonaise, noire, Indienne Cherokee, Mongole et Irlandaise. Mais dans l’univers du porno, tous deux sont d’accord sur un point : ils ne sont pas assez « black » pour entrer dans la catégorie interracial des sites pour adultes.

Il faut dire que l’interracial est un peu le dernier degré de ségrégation du fap. Les Blacked de Greg Lanksy nous en dévoilent les stéréotypes, codifiées et immuables. Ironie du sort parmi mille autres, les comédiennes et comédiens que l’on voit s’énamourer à l’écran vivent pour la plupart à Los Angeles, terre du brassage des cultures par excellence.

Honey Gold et Donny Sins © Gustavo Turner

« La catégorie Interracial creuse un fossé entre les vies réelles des performers et les scénarios qu’ils doivent interpréter » nous rappelle-t-on. Malgré ce que suggère son nom, l’interracial ne prône pas la diversité mais se réduit à une niche marketée d’un fantasme rigide et hétéro de la femme blanche – jeune et frêle – offerte aux mains de l’homme noir. Inversez la situation, les mots changent : si actrice de couleur il y a, nous glissons plus souvent dans le champ du tag « ebony ». Plus incompréhensible encore, une séquence mettant en scène un couple afro peut-être considérée sur les tubes comme de « l’ebony / interracial ».

Le tabou

Si elle prône l’innovation, l’industrie du X demeure parfois archaïque. L‘interracial est encore un tabou. Si l’on sait que certaines actrices refusent de tourner sous prétexte que la couleur de peau de leur collègue pourrait nuire à leur carrière, la vérité mise à nue par le L.A Times est peut être pire : nombreuses sont les comédiennes à accepter l‘interracial, pour la bonne raison que les tarifs sont plus conséquents qu’une bonne performance hardcore.

Quant à ceux et celles qui incarnent ce tag, ils se retrouvent généralement cantonnés aux mêmes personnages d’intrus violents, de dealers menaçants et de « putes renoies du ghetto« . Détail malaisant de cet interracial aux frontières tenues, c’est la taille du pénis qui fait de vous une vraie pornstar « black » – ou non – aux yeux des producteurs (et des consommateurs ?).

Le couple en photo pour leur agence OC Modeling

« Les boîtes de production font ce qu’elles veulent. Parfois, elles emploient le tag « Ebony », puis les fans deviennent fous car ils attendent une actrice avec une peau plus obscure. Parfois, elles obscurcissent ou éclairent certain(es) comédienne(s) avec des filtres digitaux » déplore Honey. L’actrice décrit l’interracial comme un milieu de niche, aberration lexicale jaugée en fonction d’un échelon du « plus ou moins noir« , gangrenée par la concurrence, traversée par les mêmes fantasmes récurrents – big black cock et black on white en amont. Mais au fond, à qui la faute, s’interroge le L.A Times ?

A un public cultivant une étrange obsession pour l’aberration interracial, mais se révèle tout aussi divers que ce que nous montre le porn lui même ? A tous ces producteurs qui ressortent incessamment l’argument du « le public aime ça » pour expliquer leurs choix artistiques ? « Un producteur vous dira : « Ouais, c’est ridicule, mais c’est ce pourquoi les consommateurs paient » conclut Donny Sins. Ou, suggérons-le, à un imaginaire collectif plus insidieux ? Quoi qu’il en soit, une chose est certaine : quand vous regardez une vidéo interracial, dites vous qu’elle n’est jamais assez multiracial.

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