Kristina Rose : rage anthracite
Tu vois Mikko, les gens confondent souvent violence et intensité, c’est comme vulgarité et grossièreté, il existe une frontière subtile qu’il s’agit de ne pas franchir. La subtilité ce n’est pas ce qu’on fait de plus simple dans le porno, le plus souvent c’est tout ou rien. Il n’y a pas tellement de place pour l’anthracite. Tu sais, ce gris si bien chanté par Gainsbourg, un gris qui tend désespérément vers le noir, d’une profonde intensité. Il court vers lui, mais pour rien au monde il n’y mettrait les pieds, il aurait trop peur de se salir. Plutôt ambigu pour ce qui est censé être la couleur du charbon ; mais tu vois c’est ça la subtilité, c’est effleurer un état.
Tout contre moi tu t’agites
Dans une rage anthracite
Mais qu’importe si tu mords
Je veux ton âme et ton corps
Belle entrée en matière, très cher Gonzo. Tu y soulignes, à mots couverts et à raison, l’indigente banalité de la quasi-totalité des productions de notre domaine de prédilection. Où trouver la jouissance, la vraie, dans cette infinie succession de scènes blafardes, molles et dépourvues d’âme ?
Cette jouissance vers laquelle nous tendons tous, je l’ai cherchée pendant très longtemps dans la sphère porno, sans succès. Nul besoin de nous envoyer dans des décors hors-norme ou d’atteindre le contre-ut sans fausset, pour toucher au réel. Gonzo, je suis las des simulations abrutissantes et de l’excès d’artifices. Je veux de la fougue, de la joie, du foutre mêlé aux rires et aux larmes, je veux un porno flaubertien ! Je crois l’apercevoir au loin, dans le clair-obscur d’un sous-sol anonyme…
La perspective donnée par ces poteaux, un décor qui plairaît sans doute au regretté JG Ballard. La lumière est crue et grossière, la caméra est à l’épaule, on pose la scène dans son plus simple appareil. L’essentiel reposant sur ces deux monstres du porn ricain, l’infatigable jouisseuse Kristina Rose et notre fierté nationale Manuel Ferrara. Ces deux êtres qui créent une entité supérieure par la force de leur union. On est en pleine puissance triangulaire, et tu sais bien que je suis attaché à cette forme. En temps normal, tu as deux personnes qui se cognent dessus, c’est honnête, c’est pratique, c’est un support. Ici on est propulsé bien au delà, la pointe du triangle qui se forme au dessus de leur tête est clairement l’amour, je ne peux pas croire en autre chose.
D’un côté tu as Kristina qui supplie Manu de lui dire ce qu’il doit lui dire, comme un couple qui se déchire et veut se prouver une dernière fois qu’ils peuvent s’aimer. Et de l’autre Manu, sûrement un peu gêné qui lui susurre des mots incompréhensibles. Pour résumer la scène, leur amour physique est violent mais l’intensité de leur amour sublime le tout. Comment ne pas avoir des frissons quand Kristina lui hurle « I love you, I love you, I love you » ou quand elle le supplie de ne pas jouir car après il ne pourra plus la baiser ? Elle cherche l’éternité de l’instant. J’avais au début ma main fort occupée, et j’ai dû m’arrêter, je devenais complètement voyeur de la scène. Le caméraman lui-même se recule au lieu d’avancer. C’est très troublant.
Je comprends ce trouble qui t’envahit en voyant cette union charnelle sans commune mesure se dérouler sauvagement devant nos yeux jadis blasés. Un grand moment de cinéma, j’ose le dire, où la pyramide tend vers le point d’horizon où disparaît le soleil. Quel tableau que de voir l’invincible Ferrara décontenancé face à la voracité sans limite de Kristina Rose, mais pas pour autant dépassé par les évènements. Se rend-il compte qu’il est en train de parvenir à son apex ? C’est effectivement entre ces piliers de béton que se joue le climax du porno US, nous sommes au cœur du temple ionique, celui de Kristina-Niquée. Elle squirte, il l’a au creux de la main, l’esclave gémissante prend l’étalon en bouche comme si sa vie de vestale dépravée en dépendait. Kristina veille au foyer qu’elle a allumé en chacun de nous, elle incarne le feu sacré. Avec elle, nous dépassons le cadre du hardcore, on touche au passionnel, à l’Amour, car elle ne baise plus notre prêtresse du bitume, elle fait l’amour. L’Amour avec un grand X cette fois, ce X que Gainsbourg dessine dans le dos de Samantha avant la petite mort.
Et quand il finit par éjaculer sur le corps en fusion de Kristina, elle retourne au casse-pipe et passe sa langue sous le prépuce, ultime métaphore. Manuel a Kristina dans la peau, et moi aussi, Gonzo, moi aussi…
J’ai aussi remarqué cette langue sous le prépuce. C’est l’ultime effort, l’extrémité du triangle qu’elle effleure de sa passion. Puis ils s’embrassent tendrement, la pointe s’est transformée en jetée où leurs pieds se sont tournés vers l’infini, plus d’hésitation, ils plongent leur regard au loin et se laissent couler. Ça peut te paraître un peu niais de dire ça, mais j’ai été touché par cette fin, j’avais envie d’être eux. J’avais envie de retrouver l’amour. J’avais envie de fusionner dans un déluge de regards.
C’est le moment de citer l’intéressée, elle répondait ceci il y a peu sur le blog de Dorcel, ce qui m’a mis la puce à l’oreille :
« Kristina Rose : Ma scène avec Manuel Ferrara dans “Kristina Rose is Slutwoman” produit par Elegant Angel est de très loin ma scène favorite. De nombreuses personnes savent que le lien qui existe entre Manuel et moi est incassable et dans cette scène, nous sommes réellement passés au niveau supérieur. Je n’ai jamais été baisée comme ça auparavant, même pas dans le privé. Je n’oublierai jamais cette journée.”
Nous non plus on ne pourra pas oublier cette scène, elle emmène le porno là où il n’arrive pas à aller : à la sincérité. C’est quelque chose de baiser comme une machine, c’est bien autre chose de vraiment baiser quelqu’un devant une caméra. Mais je n’arrive pas à me branler devant, on touche peut-être ici à une frontière psychologique, jusqu’où le regard peut aller sans se sentir gêné ? Pourtant je suis assez voyeur de mon état, mais là, j’ai l’impression de ne pas être à ma place. Pas toi ?
Oh moi, tu sais Gonzo, j’ai la braguette ouverte et la gâchette facile. Mais je te l’accorde, rarement je me suis senti aussi voyeur. La tendance est au POV, à la 3D, tout ça pour nous faire plonger dans la grande illusion : l’actrice qui nous parle, qui nous suce. On s’y est habitués mine de rien, on commençait à y croire à notre Videodrome, donc forcément, quand on voit un couple qui s’éclate sans se préoccuper du reste, cela nous renvoie au mieux à nos grands moments de sport en chambre, au pire à notre violente condition de branleur.
Je vais te faire une confidence, de celles que l’on répertorie dans le dossier « secrets d’homme », oui je te le dis à toi, mon petit angelot, cette scène m’a touché car elle témoigne de ce qui peut se passer entre deux êtres en osmose parfaite. La caméra a disparu, le bitume s’est fait velours, Manu et K-Rose laissent libre cours à leurs pulsions, tu as raison Gonzo, nous ne sommes pas à notre place, nous ne regardons plus une scène porno, nous nous sommes déjà trop appesantis. Laissons-les rire tous les deux, de notre malaise. C’est comme si on avait oublié ce que c’était de s’extasier sans état d’âme, il aura fallu ces deux anges élégants pour nous le rappeler… Putain, Gonzo, lâche donc ta plume, on sort ce soir, on va retrouver l’amour même s’il ne dure qu’un instant, avant qu’il ne soit trop tard.
Mikko, viens on tourne comme des âmes en peine, de bar en bar dans la rue des illusions perdues. Laissons nos amis avec cette vidéo qu’ils comprennent notre impuissance. Ces deux-là sont au sommet de la pyramide du porn, représenté par Pierre Soulages et son outre-noir, un « peintre-passion » pour le climax du porno ricain. Nous sommes en pleine rage anthracite Mikko, nous sommes perdus. Le triangle, l’anthracite, comment t’expliquer, je me sens tout petit.
Extrait de Kristina Rose is Slutwoman, sorti chez Elegant Angel. J’ai mis l’extrait en entier, ça sera notre petit secret, ne leur dites pas. Merci.
Je rejoins l’avis de Pomme Sawyer et de quelques autres : pour moi la prétendue « magie » n’opère pas. J’admire à quel point l’auteur de l’article arrive à poétiser du porn, mais à mon avis ça ne reste que du porn et rien d’autre. Ok l’actrice est à fond dedans, mais il faudrait voir à ne pas confondre excitation sexuelle intense et AMOUR. Ca reste surfait, au bout de 1 minute et quelques claques l’actrice est déjà à moitié en train de chialer. Non ce n’est probablement pas du fake, mais plutôt que de l’amour à mon avis l’actrice est surtout assez fragile émotionnellement pour se faire bouleverser avec deux-trois baffes. Quand elle part dans son délire « i love you! i need you! », même Ferrara lui dit « ce n’est pas comme ça que j’ai envie de faire ». Dès qu’elle commence à brailler « i love you » tout d’un coup il se tait, même lui ne comprend pas le délire de Kristina.
Bref peut-être que moi aussi comme Tom Sawyer je suis incapable de » reconnaitre un St-Emilion Chateau-sa-mère de 1983 dans une assemblée d’oenologues esthètes super calés », mais pour moi ça reste juste un film de cul avec une actrice qui adore ça et qui est suffisamment décomplexée et désinhibée pour se laisser complètement aller à la passion sexuelle. Mais de là à proclamer un « chef-d’oeuvre de cinéma » et à saupoudrer le tout de réflexions du genre « ça m’a bouleversé dans mes fondements tellement c’est profond »…
Qui parle de chef d’oeuvre du cinéma ? Personne il me semble. C’est juste une scène assez dingue, qui a d’ailleurs gagné l’AVN de la meilleure scène. Après effectivement ça reste du porno, libre à toi de le laisser à sa place de support masturbatoire.
Tes termes étaient « Un grand moment de cinéma, j’ose le dire ». Ceci dit tant mieux pour ceux qui voient dans ce film davantage que moi et à qui ça inspire une prose pas dégueu 😉 De la verge à la verve…
le « j’ose le dire » était à prendre avec un certain degré hein
Fucking awsome !
C’est ce genre de scène que je recherche dans le porno, tout le reste ne m’intéresse pas. La dernière fois que j’ai trouvé ce genre d’émotion devant un écran, c’était dans la trilogie fashionistas.
Je me souviens d’une scène entre Nacho et Melissa qui m’avait particulièrement …
Merci à vous.
Je viens de découvrir cette vidéo. Et ce par hasard.
Je regardais quelques films pornos, comme de temps en temps.
Puis j’ai voulu en mâter une avec Manuel Ferrara. Parce que
je sais qu’à chaque fois, je mouille de ouf avec lui.
Et donc je met la fameuse vidéo, croyant tomber sur une comme tant d’autre.
J’ai compris qu’elle était différente quand j’ai arrêter de me toucher, que je me suis redresser et que j’ai ressentis un gros mal-être, que des larmes ont commencées à monter. Ouais, bon, ok, je suis une grande sentimentale donc c’est sur que ça aide pas. Mais de voir cette femme supplier Manuel Ferrara de « lui dire », qu’elle avait envie d’être sienne, qu’elle aimé etc etc. c’était touchant. peut être un peu trop justement. Franchement malgré mon jeune âge, j’en ai mâté des vidéos de cul. Et en tout genre (presque). Et de nombreuse avec Manuel Ferrara. Mais jamais JAMAIS j’ai pu voir une tel osmose entre les deux acteurs.
Peut être qu’il y en a qui sont indifférent devant cette vidéo, qui trouve que la fille en fait trop, qui se sont fait royalement chier. Et je peux comprendre parce que c’est pas ce qu’on attend quand on mate un porno, et parfois regarder un bon vieux porno bien hardcore, j’dis pas, ça fait plaisir. Mais faut reconnaître que c’est vidéo est belle. C’est tout. Et ça m’a touché.