Manuel Ferrara : le porno vrai

Manuel Ferrara continue à planer au-dessus du porno mondial avec son respect des femmes et sa façon de baiser si intense et personnelle. Rencontre à distance, à la coule un matin à Los Angeles avec le plus grand hardeur de notre époque, notre fierté nationale. 

Tu as 15 ans de carrière, 10 ans aux États-Unis, tu continues à avoir la même énergie. Qu’est-ce qui t’anime ?
Changer tous les jours de partenaire, c’est ce qui fait que tu gardes cette même envie, cette même libido et que tu continues avec le même enthousiasme. On retourne quelques fois avec les mêmes filles mais malgré tout c’est tous les jours différent, c’est ça qui est excitant.

Tu te verrais encore faire ça longtemps ?
On vieillit tous mais oui. Tant que j’arrive sur une scène et que la fille ne me regarde pas en se disant : “oh merde c’est avec lui que je bosse aujourd’hui”, je continue.

D’où te vient cette créativité dans le POV ?
J’ai toujours apprécié le sexe réel, j’ai toujours voulu baiser à la caméra de la même manière que je baise en privé. Au fil du temps, ma manière de baiser a changé. Au début je faisais des scènes très fortes et un peu violentes, maintenant j’essaye de créer plus de contact avec la fille. Mais j’ai toujours eu la même optique : faire jouir et prendre du plaisir. Sur ma série Raw – qui est pour moi la meilleure – j’essaye vraiment de faire ressortir le côté vrai du sexe, le côté sextape.

Tu penses que c’est l’avenir, ce genre de sextapes produites ?
Une option peut-être. Quand tout le monde va dans les parodies, moi je vais à l’opposé de ça. Les parodies, c’est vraiment le cancer du porno, j’essaye de m’en éloigner le plus possible. Même si y’a de la passion dans mes autres séries comme Slutty and Sluttier ou Evil Anal où c’est clairement du porno, ça ne s’approche pas du niveau d’intimité d’un Raw.

Tu vas faire une suite à French Vacation ?
J’aimerais bien mais c’est pas facile parce qu’il n’y a pas assez de filles en France. Le business est mort et y’a plus d’oseille. Si y’avait plus de moyens sur la table, je suis sûr qu’il y aurait quelques filles très jolies qui se lanceraient, mais quand elles entendent les prix pratiqués, elle se disent que c’est pas la peine d’afficher leur tête à ce prix-là. C’est dur en France et en Europe.

Comment es-tu arrivé aux États-Unis ?
À une époque je bossais beaucoup pour Rocco et Christophe Clark à Budapest et à Prague. Un jour John Stagliano est venu à Budapest, on s’est rencontrés, il m’a parlé d’un gros projet qui s’appelait The Fashionistas, quelques mois plus tard il m’a appelé pour être le second rôle du film aux côtés de Rocco. Bien sûr j’ai dit oui, j’y suis allé et ça s’est super bien passé. J’ai rencontré des gens qui m’ont dit : “hey tu bosses bien, tu voudrais pas rester plus longtemps ?”. Je suis resté, et ça a commencé à vraiment bien marcher.

À l’époque les acteurs ici étaient très mécaniques, dès que tu arrivais avec ta façon de baiser, tu sortais du lot assez facilement.

Tu penses que tu peux créer des vocations avec ta façon de baiser ?
Il y a quelques mecs dans le business qui me disent : “je regarde tes trucs et c’est pour ça que j’ai commencé à faire ci, faire ça” un peu comme moi à l’époque avec Christophe ou Rocco dont j’étais un grand fan. Au tout début tu as tendance à imiter un peu ces personnages.

Tu as conscience que tu peux être aussi un modèle pour le sexe dans la vie privée ?
La façon dont je baise dans mes films, c’est la même façon que dans la vie privée. J’essaye pas d’envoyer la fille dans les airs et la rattraper sur ma queue. J’ai horreur du côté acrobatique, du côté fait pour le film. Il y a beaucoup de réalisateurs qui n’aiment pas bosser avec moi car je ne fais pas ce qu’ils veulent. Ils ne peuvent pas me dire “tiens, mets le bras de la fille derrière la tête et cie”, soit je le fais à ma manière, soit je ne le fais pas. J’ai toujours fonctionné comme ça.

Tes scènes de gonzo sont improvisées ou tu les prépares à l’avance ?
Ça dépend, quand je fais des séries comme Slutty & Sluttier, Evil Anal, Evolution… je travaille un peu plus sur les intros, mais parfois j’ai la flemme et je dis à la fille : “vas-y danse devant la caméra pendant 5 minutes, après on baise”, mais c’est pas le porno que j’ai envie de faire. En revanche pour Raw, je ne prépare rien, je dis aux filles : “tu te maquilles si tu veux, pas de fishnet, pas de tenue de fou, je veux du vrai”.

Quand j’ai tourné avec Lou Charmelle, c’était vraiment la première fois que je la rencontrais. J’essaye de garder le truc le plus réel possible. Plus tu prépares, plus c’est joué et malheureusement les acteurs porno – moi inclus – on n’est pas vraiment les meilleurs pour jouer la comédie (rires).

Ta scène avec Kristina Rose dans Kristina is a Slutwoman a vraiment marqué les esprits. Tu peux nous en dire plus ?
C’est difficile pour moi d’en parler comme ça, encore plus maintenant… Avec Kristina on s’entendait vraiment bien, on aimait beaucoup bosser et baiser ensemble. Je crois que dans sa tête il se passait un peu plus que la réalité. Ce soir-là, elle avait été, je pense, un peu conditionnée par la réal. Elegant Angel fait de très bons films et quand ils en font un pour une actrice en particulier, ils poussent vraiment le truc. La réal. savait ce que Kristina ressentait pour moi et la manière dont elle voulait tourner… Le sexe était vrai, c’était vraiment une très belle scène, une des scènes que tu finis en te disant : “merde, putain… wouah”.

Beaucoup de gens aiment les pornos où la fille regarde la caméra, moi je déteste ça. Je veux voir la vraie connexion entre l’acteur et la fille, je crois que c’est ça qui est très bien dans cette scène, on est vraiment là en train de baiser parce qu’on a envie de baiser, pas juste en train de faire une scène. La scène en elle-même était incroyable. C’était VRAI, VRAI, VRAI.

Mais… ça a été un moment assez spécial, y’a eu plein d’histoires avec cette scène, elle devait être nommée aux AVN cette année-là puis y’a eu quelque chose… ils l’ont retirée puis l’ont remise l’année d’après et elle a gagné un prix.

Kristina est un peu partie en couilles, elle ne fait pas de séparation entre la vie privée et le boulot. Du coup ça en était devenu très bizarre, c’est une fille très bien, très gentille mais c’est tout ce qu’elle a dans la vie…

Comment ça se passe à Los Angeles, c’est une famille ou chacun travaille dans son coin ?
La grande majorité travaille dans son coin. Perso, je sépare complètement ma vie privée et mon boulot. Quand tu sors et que tu vas au resto avec des gens du porno, tu te retrouves très rapidement à parler de porno. Je peux pas faire ça toute ma vie, il faut que j’en sorte pour l’apprécier encore plus. D’autres personnes ne peuvent pas faire ça, c’est leur vie, il ne vivent que pour ça et ne fréquentent que des gens du porno. Je pense qu’il y a des petits groupes, mais en général, les gens restent assez séparés.

Selon toi, comment le porno va évoluer dans les prochaines années ?
J’espère que les parodies vont repartir, j’ai vraiment du mal avec ça. On va sûrement voir revenir des films à histoire à la Digital Playground ou Wicked car il y a trop de gens qui ont fait du mauvais gonzo ; la fille qui danse 5 minutes, deux mecs qui arrivent et qui la baisent sur un canapé – c’est vraiment naze. J’ai grandi avec le gonzo de Joey Silvera, Stagliano, Rocco et Christophe Clark et j’aimerais bien revoir un peu plus de ce genre.

Tu as aussi tourné pour Sweet Sinners, qui est un concurrent de la série Romance, ça a de l’avenir selon toi ?
J’ai fait ça parce que j’étais pote avec la réal, c’était pour lui rendre service. Mais c’est plus pour les chaînes de télé, plus “pour les couples”, c’est peut-être une manière pour un mec de dire à sa meuf : “viens on va regarder un porno, t’inquiète pas c’est pas dégueulasse, c’est pas du Manuel Ferrara (rires)”.

Et pour les séries, à la Digital Playground par exemple ?
C’est pour fidéliser les fans… Je crois pas trop à ce genre de produit, au mec qui attend ce qui va se passer dans le prochain épisode. Pour moi, une histoire dans le porno si c’est pas un truc qui va t’exciter avant même que la baise commence c’est inutile. Le coup du livreur de pizza ou du plombier, ça n’excite personne. Ce qui manque à ces films c’est une vraie perversion dans l’histoire comme dans ce vieux film italien avec Christophe Clark et Anita Rinaldi.

Je suis très pote avec Robby D. (réal. maison chez Digital Playground, ndlr), on rigole tout le temps et je me fous de sa gueule car c’est lui qui écrit tout ces trucs-là. Lui sa direction c’est plus la comédie que la perversion. Robby est sûrement le plus qualifié dans le porno au niveau cinématographie, il connaît son boulot, tout ce qui lui manque c’est quelqu’un qui sache bien écrire des histoires.

Pendant le lock-out tu t’entraînais dans la même salle de gym que des pointures du basket : Paul Pierce, Shawn Marion ou Kevin Garnett. Quel est ton niveau ? D’où te vient cette passion ?
Je suis une quequette au basket, j’ai commencé très tard. J’ai grandi en faisant du judo et c’est pas facile ici… Mais j’ai des potes qui jouaient au basket ici, alors j’ai commencé à jouer avec eux. C’est vrai qu’au début j’étais un peu comme le mec qui vient au foot et dont les autres disent : “meeeeerde pourquoi il s’est pointé aujourd’hui, il va niquer la partie”. Maintenant je joue vachement mieux mais je suis très loin du niveau des pros. J’ai un bon shoot à 3 points, je me déplace assez bien mais bon… ça sera pas ma carrière même si je joue tous les jours.

Au fait, t’écoutes quoi en ce moment ?
J’ai mon petit retour au rap français, j’avais un peu lâché depuis quelques temps. Quand je rentre en France, je mets la radio et je peux pas écouter Skyrock. Je suis un fan de rap, ce qu’ils passent c’est en boucle toutes les heures, c’est pas possible… Donc j’arrive ici et un pote me dit : “hey tu connais Orelsan ?”, je connaissais un peu mais là j’ai tout de suite accroché. Sinon j’écoute d’autres trucs comme Kery James, Busta Flex ou Zoxea, même du vieux son d’Assassin. En fait y’a plein d’anciens qui n’ont pas arrêté, comme Busta Flex, dont je suis un grand fan, ils sont juste moins exposés.

C’est l’écriture qui manque en fait. Kery James, ce qu’il écrit c’est vraiment de la poésie. Par contre t’as d’autres rappeurs en France comme Sefyu qui sont durs pour moi à écouter ; je te dis pas que c’est pas bien, juste que c’est… “sale”. Encore une fois il en faut pour tout le monde… C’est peut-être aussi que je vieillis et que je reste assez old school dans mon rap.

C’est quoi ton tag parfait ?
Je regarde beaucoup de trucs amat, j’étais un grand fan aussi des German Goo Girls. Mais on revient toujours au même : tout ce qui est vrai. Je connais tout le monde ici, alors je repère vite quand la baise est bidon.

Tu pratiques pas mal de rimjob, pourquoi ça reste encore assez marginal dans le porno mainstream ?
Je ne pense pas que ce soit si marginal, dans le porno de base c’est juste plus calibré : léchage de chatte, pipe, deux positions vaginales, une position anale, et voilà. Alors que dans ce que je fais ou dans ce que fait Rocco, on est libre de faire ce qu’on veut, ce qui nous excite. Pareil quand je shoote les autres, je veux qu’ils fassent ce qu’ils aiment pour être vraiment dans le truc. Alors si c’est rimjob, rimjob il y a.

Tu refuses de travailler avec certaines filles ?
Oui bien sûr, d’ailleurs maintenant je ne travaille qu’avec les filles avec qui j’ai envie de tourner.

Tu peux nous parler de ta relation avec Katsuni ?
On est vraiment sur la même longueur d’onde, on est en vraie symbiose, et pas seulement au niveau cul, on a toujours été connectés. Notre relation est tellement particulière et spéciale pour nous.

D’avoir des groupies, qu’est ce que ça te fait ?
C’est toujours sympa, ça montre que le porno évolue dans la mentalité des gens. Quand j’étais plus jeune, et c’était il y a juste 10 ans, les filles ne parlaient pas de porno. Alors que maintenant ça se fait de plus en plus, sur Facebook ou Twitter je reçois des messages tous les jours de femmes qui adorent le porno, pas seulement les films à la vanille, mais des trucs hardcore. Les femmes savent ce qu’elles veulent, je pense qu’elles l’ont toujours su sauf que ça ne se disait pas avant. Maintenant ça ne choque plus une fille qui dit “moi j’aime me faire étrangler, j’aime me prendre des claques, j’aime aussi étrangler les mecs, ou goder un mec”.

L’avenir du X va passer par les femmes ?
Y’a beaucoup trop de gens qui essayent de penser pour les femmes. Ça dépend des moments et des gens, y’a des filles qui vont aimer l’anal ou le hardcore, et d’autres non. Mais c’est le fait de plus assumer certaines choses qui va peut-être aider le porno.

Un dernier mot ?
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