Stephen King – ÇA

Mes premiers émois érotico-littéraires ne sont pas bien glorieux. La première scène marquante qui me revient se trouve dans le ÇA de Stephen King. À l’époque, il y a un peu plus de 12 ans maintenant, j’avais été touché par la puissance de ce court passage dans lequel était décrite une scène de cul pour le moins classique entre Bev (personnage central du roman) et son mari abusif et, ne nous mentons pas, complètement con. Après s’être pris une énième rouste pour avoir fumé en sortant du cinéma (alors que pourtant elle savait très bien qu’il n’aimait pas ça, qu’elle fume, mais que voulez-vous les filles faut toujours tout leur répéter), les deux amants rentrent et se mettent au pieu. S’en suivait une étreinte à la fois tendre et brutale qui pour le jeune puceau que j’étais représentait le summum de l’érotisme. Et puis ÇA est retourné prendre la poussière sur les étagères de ma chambre d’ado et j’ai laissé Bev à ses clowns d’égouts.

ÇA Stephen King Gif

En novembre dernier, au hasard d’une randonnée nocturne sur la grande toile, j’ai appris que Stephen King était nominé aux Bad Sex Awards. Inaugurés en 1993 par la Literary Review (le magazine littéraire le plus respecté de Grande-Bretagne), ces Gérards de la littérature récompensent chaque année l’auteur ayant livré la pire représentation de l’acte sexuel dans un de ces romans. Le but de la rédaction est d’attirer l’attention sur la pauvreté des descriptions sexuelles dans les romans modernes et de les décourager. Grossiers, inutiles, redondants, les passages sélectionnés peuvent en effet prêter à sourire. La sélection 2011 proposait entre autres Stephen King donc, mais aussi Haruki Murakami ou James Frey, tous retenus pour la maladresse avec laquelle ils abordent l’acte sexuel dans leur œuvre. Je me suis alors remis à penser à cette scène et à l’impact qu’elle avait eu sur moi à l’époque. Est-il possible que j’aie totalement sublimé ce qui n’était en fait qu’une scène de cul maladroitement décrite, sans finesse ni style ? Baluchon sur le dos, je suis retourné enquêter au domicile familial et, pour la première fois en 12 ans, j’ai rouvert le premier volume de ÇA :

Elle ne voulait pas faire l’amour, avait-elle dit. Il lut néanmoins une vérité différente dans son regard et dans la manière dont elle exhibait ses jambes, et elle avait le bout des seins raide et dur quand il lui ôta sa blouse. Elle gémit quand il les effleura, cria doucement quand il se mit à les sucer, l’un après l’autre, tout en les malaxant sans répit. Elle s’empara de sa main libre et la glissa entre ses jambes.

Je croyais que tu ne voulais pas faire l’amour, dit-il. Elle détourna le visage, mais retint fermement sa main, tandis que le mouvement de ses hanches ne faisait que s’accélérer.

Il la repoussa alors sur le lit… et il se montra doux et attentionné, lui retirant ses sous-vêtements avec une délicatesse presque féminine.
La pénétrer fut comme se glisser dans une huile exquise.
Il bougea en cadence avec elle, l’utilisant mais se laissant aussi utiliser par elle, et elle jouit presque tout de suite la première fois, gémissant et lui enfonçant les ongles dans le dos. Puis ils passèrent à un rythme plus long et plus profond, plus lent aussi, et à un moment donné il pensa qu’elle avait joui une deuxième fois. Tom était sur le point d’en faire autant ; dans ces cas-là, il se mettait à penser au nombre de coups marqués en moyenne par match par les White Sox, ou à qui pouvait bien essayer de lui piquer le budget de Chelsey, au boulot, et l’envie passait. Elle se mit alors à accélérer, finissant par perdre le rythme dans un cabrement surexcité. Il regarda son visage barbouillé de mascara (qui lui faisait des yeux de raton laveur) et de rouge à lèvres, et il se sentit lui-même approcher délicieusement de l’orgasme. Il souleva de plus en plus sèchement ses hanches – il n’avait pas encore une bedaine gonflée à la bière à cette époque – et leurs ventres furent comme deux mains battant de plus en plus vite.

Près de la fin, elle cria et le mordit à l’épaule de ses petites dents régulières.

In. IT, Stephen KING, 1986.

Stephen King ça

Salut toi

Je suis bien obligé de reconnaître qu’on a déjà vu mieux que cette brève description d’un missionnaire glauque dans une chambre d’hôtel. Et pourtant je ne peux m’empêcher, malgré les images foireuses, l’huile exquise et le score de base-ball, malgré un style et un rythme inexistants, je ne peux m’empêcher de retrouver cette fascination qui m’avait saisi la première fois. Tout est dit dans cette scène glauque. Le rapport de soumission et de violence qui noue le couple depuis le début atteint là son paroxysme. Le plaisir que les deux protagonistes y trouvent dépeint en creux un étrange portrait de Beverly. La situation de cette fille perdue qui se complaît dans une relation abusive rappelle immanquablement les violences que lui infligeait son père lorsqu’elle était enfant. Pour elle plus que pour n’importe quel autre personnage, le sexe est un paramètre central, le ciment qui unit autour d’elle tous les membres du groupe d’amis et qui leur a permis, enfants, d’échapper à l’entité maléfique qu’est ÇA. Certes, l’excitation et l’érotisme que j’y voyais enfant ont eux disparu à jamais, mais la puissance de cette courte scène demeure intacte.

Pour me remettre de cette petite déception, je me suis dit qu’il serait intéressant de vous demander quel texte vous a le plus excité, le plus intrigué, le plus marqué. Quelle scène vous trouble à chaque lecture et nourrit le plus vos fantasmes. Roman, nouvelle, court extrait, billet de blog ou bande-dessinée, le Fap et la Plume va se plonger dans vos bibliothèques roses.

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