Guro : hentai extrême et transgression

Si vous avez un peu traîné sur Internet, vous connaissez sans doute le hentai. Quel que soit le truc qui vous excite ou si vous avez simplement flashé sur C-18 quand vous étiez petit, ces mangas et anime pornos sont faits pour vous. Mais au-delà des fantasmes dits « classiques », on y retrouve aussi les paraphilies les plus inhabituelles mais aussi illégales. Le hentai n’est jamais qu’un dessin avec comme seule limite l’imagination de son auteur et c’est pour cette raison qu’il existe bon nombre de sous-catégories particulièrement extrêmes. Le plus étrange de ces sous-genres est probablement le guro (de « ero guro nansensu »), où tout est permis. Absolument tout. Une simple recherche Google permet d’accéder à ces images ainsi qu’aux communautés qui les produisent et les consomment, regroupées sur des sites où de nouvelles ramifications du guro se déploient sans cesse.

Une communauté discrète mais active

Spiderlol
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Dans ce coin du web, le désormais célèbre shokushu et ses hordes de tentacules baveux ressemble à du petit lait. Dans le guro, on parle d’héroïnes de manga en version obésité morbide, d’hybrides et d’anthropomorphes divers, d’araignées violeuses, de pénétrations par le nombril, les oreilles ou les yeux… et la liste s’étend ainsi à l’infini. Des centaines, des milliers d’images en provenance du Japon qui ont aussi trouvé un public en Occident grâce aux voies d’Internet. Qui sont les producteurs de ces contenus ? Le plus souvent, ce sont les membres de cette communauté restreinte qui s’improvisent eux-mêmes dessinateurs pour satisfaire leurs propres demandes, même si la majorité de ces images arrivent toujours du Japon.

Producteurs et consommateurs s’écoutent, se répondent et se confondent dans une atmosphère de partage franchement impressionnante où tout le monde semble se connaître. Moyenne d’âge : vingt cinq ans ; pas de trolls, de flame ou de guerres intestines. Une vraie autarcie, pleine de bonne humeur et de lolisen gelée translucide façon jelly.

Le rapport des Japonais à la sexualité et à la pornographie est complexe, contradictoire à de multiples niveaux et surtout peu accessible aux sensibilités occidentales. Toujours est-il que ces fantasmes ne sont pas endémiques du Japon et que nombre d’entre eux méritent une attention toute particulière. Des cas exceptionnels, dont l’existence démontre le raffinement infini des mécanismes de l’excitation sexuelle. Morceaux choisis.

Des corps déformés et malléables

Squashed

Tout d’abord, la déformation ; le corps humain est dépossédé de sa structure. Devenu malléable, il prend la forme que l’on choisit de lui donner. De charmantes écolières se retrouvent ainsi sphériques, cubiques ou même aplaties. Les moyens pour y arriver font d’ailleurs partie intégrante du fantasme : rouleau compresseur ou à pâtisserie, pompes diverses et variées, chaînes de montage démoniaques — tout y passe.

Ces personnages figés sont rétrogradés à l’état d’objets doués de conscience : incapables de se déplacer, totalement vulnérables et utilisables à souhait. Parfois, de petites histoires accompagnent les dessins : « Si elle n’avait pas été aplatie façon feuille de papier, j’aurais déjà été en train de la baiser. Mais vu son état, je ne savais pas trop quoi faire. Et là, j’ai eu une idée. Je l’ai attrapée par la tête, puis je l’ai roulée sur elle-même. […] Je me suis assis au bord du lit et j’ai commencé à frotter ma queue à l’intérieur de ce tube de chair, tout doucement.[…] Puis je l’ai découpée en tout petits morceaux avec une paire de ciseaux. »

Pour les corps gonflés ou cubiques, l’idée est la même : la domination, de la création à la destruction, en passant par l’utilisation à des fins sexuelles. Si la forme sphérique est censée dilater tous les orifices, la forme cubique, elle, efface le corps pour mieux en exposer les attributs sexuels. Interrogés à ce sujet, les amateurs de ce genre de déformations sont unanimes, le pouvoir total sur le corps constitue le nœud du fantasme. Dans une tentative d’explication psychanalytique, certains évoquent l’attirance naturelle que ressentent tous les hommes pour les seins et les fesses, parties molles de l’anatomie féminine, ou la pâte à modeler avec laquelle ils jouaient étant enfants. Ici, ces propriétés seraient projetées sur l’ensemble du corps. Soumis à leur bon pouvoir, totalement malléables, ils sont rassurants, accueillants. Une forme brutale du complexe de Dieu, façon cul.

Le body mod : pimp my body

peach

D’autres sous-genres du guro sont issus de ce fantasme de domination par la déformation du corps. Chez les amateurs de SWB, ou Short Wheel Base, on supprime tout bonnement les parties jugées inutiles. Résultat : des êtres insensés, composés uniquement de fesses, de seins et d’organes génitaux. Avec une tête, bien consciente, posée sur le dessus. Certains jugent les SWB trop informes pour être attirantes et préfèrent trouver leur bonheur auprès de créatures hybrides, à mi-chemin entre la femme et… le vase. Ce sont les Ladypots, bien vivantes, fragiles, vulnérables et donc très excitantes. D’autres encore apprécient les têtes. Juste les têtes, séparées du corps. Conscientes, également, façon Reanimator. Dans ces fantasmes dits de body mod, l’absence ou la perte totale de la capacité à sa mouvoir est essentielle. Ceux qui consomment ce genre de matériel pornographique expliquent qu’il est issu du même cheminement de pensée que le bondage. Sauf qu’avec le hentai, tout est permis : on peut donc fantasmer librement sur une immobilisation irréversible et la domination ultime qui en découle. Une version plus extrême encore de ce que beaucoup considèrent déjà comme un fantasme extrême.

Mais si les body mods du guro sont souvent le stade supérieur de la logique bondage – domination – soumission, le sadomasochisme n’est pas en reste. On dérive alors vers le snuff version manga. La douleur et la mort sont les deux principales ressources pornographiques de ce genre d’images, qui se résument essentiellement à la représentation de jeunes filles démembrées, éviscérées…assassinées, dans le cadre de l’acte sexuel. Du porno pour sadiques ultimes, ceux qui répondent au doux nom d’érotophonophiles.

Meurtre, torture et transgression

guro

Excités par le meurtre et la torture, rares sont ceux qui acceptent de parler de leur fantasme. Ils ne doivent toutefois pas être confondus avec les nécrophiles, qui sont plus proches des amateurs de « domination totale » et qui n’ont pas peur de s’exprimer : « Un cadavre, c’est l’esclave parfait qui ne se débattra jamais, ne dira jamais non, ne fera pas le moindre bruit quoi que tu lui fasses. Il n’existe que pour ton plaisir. »

Les sadiques excités par le guro façon torture porn ont souvent beaucoup de mal à expliquer les mécanismes de leurs fantasmes. Certains situent la source de l’excitation dans le côté transgressif de l’acte, d’autres le renient complètement avec un mépris non dissimulé. Chaque parcours semble différent. Un internaute évoque une fétichisation de la peur de la mort, un autre explique comment son amour des cris de toutes sortes l’a mené au guro. Certains sont excités uniquement par le sang et les viscères, d’autres par « la colère, le désespoir dans [les] yeux » des personnages torturés à l’écran.

Pour la plupart de spécialistes, l’érotophonophilie est la plus extrême de toutes les paraphilies, très rare et généralement indicatrice d’un trouble psychologique profond, style psychopathie. Elle va souvent de pair avec la nécrophilie ou le cannibalisme. D’autant qu’on ne parvient toujours pas à identifier les racines de ce genre de fantasme. Mais on sait qu’il est courant chez les tueurs en série. Cependant, tous les consommateurs de guro que nous avons découverts et qui osent parler de leur fantasme jurent qu’ils mènent une vie tout à fait normale et qu’aucun désir de meurtre ne leur est jamais passé par la tête. Ou presque. « J’ai l’impression d’avoir le même problème qu’un violeur ou un meurtrier, mais une différence critique demeure. […] Moi, je peux me retenir de commettre ces actes dans la vraie vie. » Quelques lignes plus haut, l’intéressé écrivait : « Tu essayes le sexe oral, puis tu te demandes à quoi ressemble le sexe anal, alors tu essayes l’anal, puis te demandes à quoi ressemble le sexe pulmonaire, intestinal ou oral inversé. Pense à ça. » Bon.

Une libération sans victime

Living Dead Girl

Une paraphilie est définie comme une « déviation sexuelle, par le choix de l’objet du désir ou la déformation de l’acte sexuel. » A l’heure actuelle, on en a dénombré 547. Les activités qui se rapportent à certaines d’entre elles sont bien heureusement jugées illégales : pédophilie, nécrophilie, érotophonophilie… autant de pulsions ou fantasmes qui ne peuvent et ne doivent pas être satisfaites aux dépens de qui que ce soit. La liberté des uns commence là où s’arrête celle des autres. Une petite phrase qui sonne comme un poncif mais qu’il n’est pas inutile de rappeler.

Ainsi, ceux qui traînent sur le Hidden Wiki ou qui s’introduisent dans les cimetières, pelle à la main et souffle court, sont des criminels. Seulement, il existe aussi un grand nombre de personnes qui ne passeront jamais à l’acte et qui, honteux, ne parleront jamais de leur trouble. Pour ceux-là, la sexualité est une source intarissable de souffrance et de frustration. Présumés coupables sans jamais avoir été criminels, ils n’osent pas appeler à l’aide et s’enfoncent souvent dans la dépression. Un bel exemple de crime de pensée.

Le guro offre une alternative à ceux qui sont prisonniers de ces fantasmes, qu’ils soient inoffensifs ou hypothétiquement dangereux. Une petite libération sans victime. Cependant, un débat fait rage au sujet de l’effet de ces images. Plusieurs études menées sur le long terme indiquent un effet bénéfique de l’explosion de la pornographie sur le nombre de crimes sexuels au Japon. La question se pose pour le guro ultra-violent : soulage-t-il les pulsions ou les rendent-elles au contraire plus exigeantes ? La réponse est bien plus difficile à obtenir, car le trouble est rarissime. Mais il semble que l’utilisation de matériel pornographique de ce genre permette à un grand nombre de personnes de satisfaire leurs pulsions sans qu’ils n’aient à tomber dans la criminalité. Prudence ; les statistiques sont traîtres. Ces images ne constituent en aucun cas une solution définitive, que l’on pourrait substituer à un suivi psychologique. Malgré tout, les études comme les témoignages de consommateurs réguliers de guro soulignent les effets bénéfiques du matériel pornographique. Littéralement, c’est le fap contre le crime ; aussi, pourquoi ne pas tenter d’engager une réelle réflexion quand à ces images et à leur utilisation ? Il est plus que temps de reconsidérer notre définition de la sexualité dite « normale », de décomplexer les « pervers » inoffensifs et d’aider ceux qui sont susceptibles de basculer.

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