Le burger dépasse le porno puisqu’il dépasse l’Homme
Deux tranches offertes, deux petits poufs recouverts de graines, accueillants pour les âmes esseulées. Ouverture droit devant, sauve-qui-peut la graille. Caresser, glisser, bourrer la bouche-en-pain de bouffe en vain, tout déborde, se casse la gueule, on se rêve architecte culinaire de génie mais l’on ne parvient qu’à faire s’écrouler ces tours de Babel de la bectance. Peu importe: les burgers sont bien là, élaborés, construits, alimentés, remplis ras la gueule. Un bon gros steak dégoulinant de graisse, du cornichon amer, les échalottes frites qui croustillent, les tranches fines de tomates qui ajoutent une énième nuance de rouge à ce foutu tableau contemplatif (ketchup ou sauce barbe-cul, viande saignante, poivrons pour les fous), un petit bob de salade verte et du cheddar qui soulève le dard.
Le burger dépasse le porno puisqu’il dépasse l’Homme : “becte le burger avant que le burger te becte” entend-t-on dans Dumb and Dumber. Là se trouve le sens de la vie et l’essence de tous les sens : aliment grillé, fondant, cru, mou, dur, liquide, solide, tout se confond aux tréfonds du burger, on s’y noie et on s’y voit. Gave-moi comme une oie, jette sur mon corps de l’huile bouillante comme si j’étais un esclave sexuel de la bouffe, ô, hamburger, dévore mon organisme, empare-toi de ma rondelle d’oignon que je puisse en toi jouir, ma sauce blanche aspergeant généreusement ta fontaine de gruyère à moitié liquifié.
Les photos léchées des burgers de l’Everest ont-ils surpassé Pornhub ? PornBurger vient de répondre à ma question rhétorique : évidemment. Les pauvres sex tapes de Pamela font triste mine face au Spamela-Anderson. Mélanger le sucré avec le salé c’est croiser les effluves, risquer le tout pour le tout, mais les vrais ont encore dans leur coeur l’inoubliable pizza hawaienne à l’ananas (ou, pour se la jouer cuisine gastro, le fameux canard à l’orange). The (U)MILF(y) a tout de la maman débonnaire, avec ses oreillers de brioche fraîche, et son foutu bacon au parmesan qui me donne envie de faire l’amour avec Porky Pig, de partir en vacances avec l’aioli, à Miami. Creamed Porn est une création esthétique belle comme un coucher de soleil. Trois nuances de vert, du mais en fontaine, parfait pour se préparer au végétarisme (retirez la barbaque et remplacez-là par beaucoup de carottes râpées). Astuce pour faire du creamed : de la crême fraîche épaisse, de la moutarde semi-forte, mélangez le tout et épicez avec du paprika. Le parfait creampie. Si tu veux t’en prendre plein la gueule, tente le VanDamne. Est-ce bien raisonnable de travestir le burger en croque-monsieur ? Puisque le nom lui-même en appelle au grand écart, l’interrogation est hors-sujet. Avec de la “dijon mustard”, représente, sisi. C’est beau comme Piège à Hong Kong. Enfin, un exploit pour performers à s’en décrocher la mâchoire. Comme n’importe quel fantasme, il est à la fois proche de ta bouche et si loin, impossible à dévorer d’un trait, il t’écrase de sa majesté. Miam.
Le burger est un petit gars solide, ou alors un building témoignant de la mégalomanie de son initiateur. Multicolore, expérimental, vieille école, postmoderne, classique ou fou, le burger est un palimpseste et nous le réécrivons à chaque tournée de frites. Ronald est à la rue, le moindre pékin est prêt à révolutionner l’imaginaire gustatif, et FoodPorn Daily me noie de tentations perverses. Je ne veux pas de burgers austères, de monochromes à la Yves Klein, je veux du vaste, du grand, gros et gras façon descriptions rabelaisiennes. À toi je suis soumis. De burgasm en burgasm.
Les burgers sont partout, en itinérance via les foodtrucks des routiers du casse-dalle, en natures mortes éparses sur les instagram, en Vanités contemporaines témoignant de l’hégémonie des Domacs et autres Rois du Burger, amoureusement immortalisés par des cuistots du mardi soir à travers les divers réseaux sociaux, quitte à surpasser les selfies ou les sexfies. Le burger c’est de l’icône pop façon Katsuni. Chaque soir je réve du Big Kahuna Burger, en me disant que la réalité sera forcément moins belle que la fiction. Et, durant mes instants de déprime, je songe au sandwich à la viande de bite.
Etrangement, même Super Size Me me donne envie de crever d’overdose pour cette boustifaille super-efficace, du sel plein les lèvres, de la mayo sur ma face bouffie, de la sauce samourai sur mes vêtements de macchabée, façon gonzo qui aurait mal tourné. Insensé ? Peut être. Mais l’amour a ses raisons que même le porn ignore.
Merci.