Taïfu comics : le hentai à la française

La tenue de la Japan Expo à Paris Villepinte début juillet fut l’occasion de faire le point sur le marché officiel du manga hentai en France. D’un genre assez obscur et véhiculant une assez mauvaise image de ses aficionados, il arrive enfin à gagner ses lettres de noblesses avec des oeuvres qui n’ont rien à envier au porn classique, comme le dit si bien Le Serbe, mon senpaï au Tag.

Evidemment, qui dit hentai dit Japon, et même si les auteurs occidentaux existent, leur production reste anecdotique en comparaison. Les traductions représentent donc la globalité du marché avec plusieurs éditeurs se chargeant de traduire et distribuer les titres que nous retrouvons dans nos librairies érotiques préférées. Le fait est qu’après moult recherches et surtout en tenant compte des critères de qualité en vigueur au Tag Parfait, il n’existe finalement qu’un seul éditeur de manga hentai valable en France : Taïfu Comics avec sa collection « Hentai sans interdits ».

Alors effectivement c’est un constat assez triste, voire un peu agressif vis-à-vis des autres éditeurs sur le marché mais c’est un fait incontestable pour tout fan du genre ayant un tant soit peu d’exigence dans le domaine. Je suis donc allé les voir sur leur stand pour en apprendre un peu plus sur eux.

taifujapanexpo

J’y retrouve Guillaume qui s’occupe chez eux de toute la partie communication et me fait un petit historique de la société. Taïfu Comics est une maison d’édition de manga créée en 2004 par Yves Huchez. À ses débuts, elle publiait essentiellement des titres shonen, shojo et seinen destinés au grand public, respectivement pour les jeunes garçons, jeunes filles et jeunes adultes. En 2009, Taïfu Comics commence à s’intéresser à des genres moins grand public et publie ses premiers titres hentai et yaoi, pour se lancer dans le yuri ou Girl’s love en 2011. Puis, en 2012, Taïfu Comics prend la décision de se spécialiser uniquement dans la publication de titres pour adultes et lance en 2013 sa collection 100% Hentai Sans Interdits. Cette collection leur permet de faire connaître des mangakas très talentueux comme YamatogawaLindaRenya SahashiSeishin Izayoi ou SAIGADO.

Chez eux, l’appellation « Hentai sans interdits » n’est pas juste un gimmick marketing pour attirer le chaland avec du hentai en vérité censuré. Là où les autres éditeurs reprennent les versions japonaises telles quelles avec la censure, quand ce ne sont pas les versions anglaises ou italiennes, Taïfu Comics récupère les visuels originaux non censurés directement auprès des auteurs et éditeurs japonais. Et oui, la censure n’est pas une fatalité. Résultat, les versions françaises deviennent plus intéressantes que les originales. Et ça, c’est nice. Y aura-t-il un jour la même chose pour les films adultes ? Espérons-le.

Bien sûr, les traductions sont faites à partir du japonais pour respecter au mieux l’oeuvre et offrir au lecteur la meilleure expérience possible. Une proximité avec la source qui sera d’ailleurs bientôt renforcée par plusieurs projets qui leur permettront d’avoir un meilleur accès aux catalogues japonais. Une évolution nécessaire pour conserver le niveau de qualité revendiqué par Taïfu Comics. Tous les amateurs trouveront leur bonheur ici : du hentai efficace et sans fioritures de Vanilla Essence au comédie/porn de Lingerie Panic, il y a de quoi faire avec tous les archétypes classiques de la MILF à la lycéenne en passant par l’employée de bureau typique. La vue de la partie du stand réservée à ces livres donne envie de repartir avec un sac à dos bien chargé.

Note : vous pouvez cliquer sur les images pour les afficher en grand.

Vanilla Essence © YAMATOGAWA 2015 – First published in Japan in 2015 by AKANESHINSHA, Tokyo.

Une collection montée avec une vraie volonté de proposer des titres de qualité tout en la protégeant des critiques habituelles que l’on retrouve à propos du hentai. Ce qui, de l’aveu de Guillaume, rend impubliable 80% des publications japonaises, que ce soit pour des raisons légales (pédopornographie avérée ou non) ou morales (culture du viol ou situations trop dégradantes). Une sélection difficile qui oblige à écarter de nombreux ouvrages. Pour autant, l’exigence de qualité reste toujours présente, ce qui tire la sélection vers le haut et contribue à la reconnaissance du hentai en tant que genre respectable de l’univers porn.

Lingerie panic © Kentarou 2010 – Originally published in Japan in 2010 by GOT Corporation, Tokyo.

Ce choix de privilégier la qualité par rapport à la quantité permet à Taïfu Comics d’être l’acteur le plus important sur le marché du hentai français. Les autres éditeurs ayant choisi de se positionner soit sur une gamme réduite de one-shots intéressants mais au rythme de parution irrégulier, comme les éditions du Lézard Noir, soit dans les séries plutôt bas de gamme avec une censure exagérée, comme les collections adossées aux grand groupes tels que Delcourt/Soleil ou Hachette.

Une politique dommageable pour le genre en général dans ce dernier cas de figure, qu’il soit dicté par un manque d’audace ou des obligations contractuelles avec les grands groupes d’édition japonais. Mention spéciale à la collection Eros de Soleil pour le slogan qui finit par : « sans jamais dépasser les limites d’une censure justifiée ». De quoi nous faire rire et pleurer à la fois.

In These Words © Guilt|Pleasure 2012 - Originally Published in Japan in 2012 by Libre Publishing Co., Ltd.

In These Words © Guilt|Pleasure 2012 – Originally Published in Japan in 2012 by Libre Publishing Co., Ltd.

Avec un bilan comme celui-ci, Taïfu Comics pourrait se reposer sur ses lauriers et faire son beurre sur les publications destinées principalement aux mâles hétérosexuels, la catégorie la plus rentable. Pourtant ils sont aussi présents dans deux niches bien plus confidentielles habituellement destinées aux femmes mais aussi aux hommes ouverts d’esprit : le yuri ou Girl’s love et le yaoi ou Boy’s Love. Par définition, les deux genres sont composés de titres plutôt softs avec un focus sur les relations entre les personnages, ce qui peut être intéressant mais sort du cadre du Tag.

Outre le fait que l’on peut noter l’effort de proposer un spectre le plus vaste possible de la culture manga, Taïfu Comics nous propose aussi dans ses collections quelques pépites au contenu bien plus émoustillant que l’on prendra plaisir à suivre sur plusieurs volumes, contrairement au hentai « jetable » qui dépasse rarement le volume unique. Surtout avec des thèmes qui changent agréablement du schéma hétérosexuel comme les rapports amour/domination entre filles de Shojo Sect ou le porn/thriller gay de In Theses Words. Même si la censure est quelque fois présente dans ce type d’ouvrage.

Ce type de publication évolue d’ailleurs bien plus vite que les autres, en parallèle de son public, plus éduqué et exigeant qu’avant. Les auteurs n’ont maintenant plus peur de mélanger des problématiques sociétales comme l’homoparentalité ou le coming-out. Les scores de vente au Japon pour In Theses Words ont atteint des records pour un ouvrage de ce genre, me dit Guillaume. Il m’apprend par ailleurs que l’on peut voir qu’un nombre non négligeable d’auteurs de hentai sont abordés par des maisons d’édition qui publient des œuvres destinés au grand public. Cela s’explique par le fait que ces auteurs sont reconnus pour la qualité de leurs dessins et sont suivis par une importante fanbase qui peut également lire des Shonen/Seinen avec des graphismes particulièrement beaux, notamment pour les personnages féminins.

Sho Sect © KEN KUROGANE 2005 - Originally published in Japan in 2005 by CORE MAGAZINE CO., LTD., Tokyo.

Sho Sect © KEN KUROGANE 2005 – Originally published in Japan in 2005 by CORE MAGAZINE CO., LTD., Tokyo.

Avec un catalogue déjà bien fourni et destiné à s’étoffer, Taïfu Comics est un éditeur à suivre et qui vaut la peine d’être encouragé en achetant leurs productions. Pour une fois que quelque chose est plus intéressant en version française qu’en version originale, ce serait dommage de passer à coté.

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